PhiN 79/2017: 157



Hélène Perdicoyianni-Paléologou (Durban)



Georges-Jean Pinault & Daniel Petit (Éd.) (2006): La langue poétique indo-européenne. Actes du Colloque de travail de la Société des Études Indo-Européennes (Indogermanische Gesellschaft/Society for Indo-European Studies), Paris, 22–24 octobre 2003. Louvain et Paris: Peeters. (= Collection linguistique publiée par la Société de Linguistique de Paris XCI)


Le présent volume rassemble les communications entendues lors du Colloque international consacré à la langue indo-européenne du 22 au 24 octobre 2003 à Paris. Le colloque a été organisé par l'École Pratique des Hautes Études, section des Sciences historiques et philologiques, en association avec l'École Normale Supérieure (Centre d'Études Anciennes) et le GDR 1038 du CNRS (dirigé par le Professeur Réné Hodot).

L'article de WOLFGANG BECK (« Zum (Indo-)Germanischen Hintergrund der Skaldensprache », p. 7–21) est consacré à la kenning dans la poésie skaldique. L'auteur étudie le type sœvar nidr (p. 13) «descendant des eaux», qu'il rapproche avec le véd. apāṃ nápāt (sœr, cf. got. *saiws, gr. λίμνη).

La contribution d'ALAIN BLANC («'Lancer le feu' en grec: étude de phraséologie (Αutour de πυρπνόος et πυρπόλος)», p. 23–36) traite des monstres lanceurs de feu en grec, en latin et en vieil anglais. L'auteur cherche à voir comment ces monstres ont été désignés au niveau du vocabulaire. L'accent est spécialement mis sur le composé nominal πυρπόλος (synonyme de la forme marquée et expressive *πυρ-πνόϝος), qui repose sur un ancien *πυρ-βόλος, et son dérivé verbal πυρπολέω «mettre le feu». Selon l'auteur, πυρπνόος est analysable au niveau étymologique et assume parfaitement sa fonction descriptive; en revanche, l'interprétation de πυρπόλος demeure obscure en synchronie aussi bien qu'en diachronie.

ALAIN CHRISTOL (« Le voile de la nuit : de la poétique au lexique », p. 37–55) examine la phraséologie védique relative au nom de la nuit qui étend son « voile » (véd. váyanti « la tisseuse »). Il s'intéresse aux images nées de la réinterprétation des formules créées pour les huttes cosmiques et aux équivalences lexicales qui en résultent.




PhiN 79/2017: 158



En partant de l'hypothèse que les Indo-Européens voyaient le monde comme une hutte, « dont la couverture passe d'un voile lumineux à un voile obscur, selon l'alternance des jours et des nuits » (p. 52), l'auteur montre que les expressions qui avaient été formées pour décrire la construction de la hutte, se figent en formules et deviennent immotivées, lorsque la vision de celle-ci disparaît, et que, par la suite, elles nous sont transmises à travers des réécritures ou des réinterprétations. Celles-ci sont fondées sur l'homologie qui s'établit lorsque deux formules figurent dans un même contexte mythique, sur l'évolution sémantique des mots qui s'emploient dans la composition des formules, ce qui conduit à une relecture des formules, et, enfin, sur la constitution de micro-systèmes, où les composantes peuvent être modifiées par harmonisation interne.

Le nom de Pythagore fait l'objet de l'étude de LAURENT DUBOIS (p. 55–62). L'auteur explique Πυθαγόρας par la dactylisation d'un ancien composé causatif *πυθ(ο)-γόρας « celui qui avertit l'agora » (cf. Πυθό–στρατος et Φιλό-στρατος). Il y voit un croisement avec Apollon Πύθιος. D'autre part, il admet que certains anthroponymes composés progressifs en Πυθο- ont été, du fait du prestige moral et politique de Delphes, réinterprétés et ont reçu le ū long du nom de Πυθώ ou de Πύθιος sur la base de composés-souches régressifs et indubitablement théophores (cf. Πυθόδωρος, Πυθόδοτος et Πυθικέτας).

ΕMMANUEL DUPRAZ (« De la poésie sud-picienne à la poésie nord-osque », 63–78) se donne comme tâche de comparer la poétique qui apparaît dans certaines inscriptions nord-osques (Inscription Ve 213 = Ri Pg 9 dite d'Herentas ; Inscription Ve 214 = Ri Pg 10, découvertes dans la nécropole de Corfinium ; Po 205 = Ri MV 7), en pays pélignien et en pays marrucin, avec celle qui est attestée dans les insccriptions sud-picéniennes (TE 2 retrouvée à Bellante dans le Picenium). Ce rapprochement permet à l'auteur de relever les correspondances entre poétique nord-ouest et poétique sud-picénienne. En effet, la poétique nord-ouest se caractérise par l'allitération systématique, la colométrie accentuelle et l'usage de formules réccurrentes. Par contre, la poétique sud-picénienne est marquée par l'emploi identique de l'allitération et d'une colométrie accentuelle. Cette démarche amène l'auteur à conclure que la poétique nord-ouest, attestée à partir du IIIème s. av. J.-C., est un héritage de la poétique sud-picénienne, qui apparaît dans la même région jusqu'au début du Vème s. av. J.-C.

JOSÉ LUIS GARCÍA RAMÓN (« Homme comme force, force d'homme ; un motif onomastique et l'étymologie du vieil irlandais Gus » p. 79–93) traite de la formule « homme fort », v.-irl. fergus (celt. com. ṷiro-gussu-) avec le type symétrique ainm gossa « nom de force d'homme » (p. 81). L'auteur montre que le motif [force d'homme], bien établi par la phraséologie et l'onomastique, peut être considéré comme hérité malgré les différences formelles d'une langue à une autre.




PhiN 79/2017: 159



En s'appuyant sur des témoignages fournis par le lexique et de la phraséologie des différentes langues, il rattache le v. irl. gus avec ĝheṷs- (*ĝheṷ-s-) « jaillir, s'élancer », avec une composante de force matérielle, qui est évidente dans la lumière de parallèles formelles et sémantiques dans les langues diverses. Ceci fait, l'auteur parvient à expliquer d'autres termes, homonymes du v. irl. gus « force, violence ». Ainsi gus 2 « danger » aurait la même origine, tandis que gus 3 appartiendrait à la racine *ĝheṷd- et son sens s'expliquerait par intégration sémantique du nom du « sang », à partir d'une racine indo-européenne signifiant « verser ».

OLAV HACKSTEIN (« La langue poétique indo-européenne : archaïsme et renouvellement dans les théonymes », p. 95–108) étudie le renouvellemet morphologique et lexical, d'un côté, et la préservation selective, de l'autre côté, pour la signification archaïque du dieu suprême des Indo-Européens au nom biparte qui signifie littéralement « ciel père ». Au bout de son étude, l'auteur réussit à montrer que : i) le tokh. B kaum ñakte conserve un archaïsme syntaxique : le nom signifiant « dieu » est postposé (p. 103) ; ii) yāmor ñakte « le dieu karman » est comparable au gr. Ζεύς πατήρ, avec apposition seconde ; iii) le tour latin nu diūs tertius « depuis trois jours » peut être rapproché avec le tokh. B no trite kaum (p. 100).

SABINE HÄUSER (« Der Beitrag des Adjektivs zur Organisationsstruktur poetischer Texte in den altindogermanischen Sprachen » p. 109–123) étudie la place de l'adjectif au sein de l'organisation du texte poétique. Dans un premier temps, il met en lumière les couples antithétiques, qui présentent des similarités avec le comparatif. Dans un second temps, il fait ressortir le contraste entre skr. dákṣiṇa- « méridional » et úttara- « septentrional » dans lequel seul le second membre présente *-tero-. L'auteur note l'emploi fréquent de ce suffixe dans la formation des adjectifs indiquant une situation relative, une position bien définie par rapport à l'énonciation. Ensuite, il établit la distinction entre antéposition et postposition, appartenant à une sphère sémantique diférente, (p. 118) (cf. le lat. praetor urbanus « prêteur urbain » (doté d'une valeur oppositionnelle) vs. *urbanus praetor « prêteur raffiné » (pourvu d'une valeur lexicale).

PETER JACKSON (« The poetics of myth in Pindar's Olympian 9, 47–49 », p. 125–132) rapproche Pind. Ol. 9, 47–49 ἔγειρ᾽ ἐπἐων σφιν οἶμον λιγύν « ouvre pour eux la route sonore des paroles » du véd. jágrvi- « éveillé » (p. 128) qui est une épithète védique du poème, et du véd. pathà ajīgah (RV 7, 75, 1 d) « (l'Aurore) a réveillé les chemins ». L'enjeu de cette reconstruction est fondé sur le sens du gr. οἶμος « chemin » (= véd. pánth-), qui est à rattacher au mot οἵμη « poème » (*sh2oiméh « chose tissée, texte »). Ce rapprochement amène l'auteur à constater que la formule indo-européenne implicite est *u̯ekw- sh2ei- « tisser des paroles » (ἐπέων οἶμος).




PhiN 79/2017: 160



STEPHANIE JAMISON ( « Poetic 'repair' in the Rig Veda », p. 133–140) traite de la redistribution du matériau poétique védique sur le plan syntaxique aussi bien que sémantico-pragmatique. L'accent est mis sur les variantes lexicales avec l'accusatif d'objet à comprendre comme un accusatif de la chose réalisée et sur le dégagement de la notion de structure concentrique (« omphalus structure ») dans les hymnes védiques.

FOLKE JOSEPHSON (« Début d'un emploi créatif de la langue hittite. Genre, style, discours, syntaxe, grammaire poétique », p. 141–156) se propose de faire ressortir les qualités de style de la langue hittite. Après avoir fait un bref aperçu des ressources stylistiques, l'auteur considère le rôle dans l'oralité dans les littératures cunéiformes mésopotamiennes. Cette démarche l'amène à conclure sur le rôle de l'expressivité dans la narrative épique. Ensuite, il étudie la position initiale du verbe, le jeu entre verbe itératif en -sk- et verbe simple, le présent de narration et la théorie du « tense switching », qui est très fréquent dans le chant d'Ullikummi. Le présent en position initiale crée une profondeur de champ supérieur à celle d'un passé imperfectif. Ainsi l'emploi de uesiyahhari dans l'imprécation du chevreuil est doté d'une nuance de « background tense marker ».

JOSHUA KATZ (« The riddle of the sp(h)ij- : The Greek Sphinx and her Indic and Indo-European background », p. 157–194) se penche sur l'énigme du Sphinx. Il rapproche le védique sphíj- « fesse, hanche » de l'hapax védique upaspíjam qui semble désigner un γρῖφος. D'après l'auteur, on aurait là un ancien composé « oxymorique » de type *upas-sphíx « devant-derrière », auquel les termes Σφίγξ et φίκις seraient rattachés.

JARED KLEIN (« Aspects of the rhetorical poetics of the Rigveda », p. 195–212) met en valeur les principaux principes caractéristiques des figures de style en védique. Il distingue entre figures de paroles (uerba) et figures de pensées (res). L'auteur accorde une attention paticulière aux « modes of thought patterns » liés à la tautologie, la progression, l'antithèse et l'analogie.

CHARLES DE LAMBERTERIE (« Traces de la langue poétique indo-européenne dans le lexique arménien », p. 213–234) s'efforce de retrouver dans le lexique arménien des termes qui à l'époque historique, bien que dépourvus d'aspect poétique, relèvent d'un état de langue marqué comme tel. Pour ce faire, il étudie, dans un premier temps, l'étymologie des noms du « cheval » et de l' « âne ». Le terme ji « cheval » est dérivé d'un tour « (éƙṷo-s) ĝh i-tó-s (« cheval éperonné »). Le terme ēš « âne », thème en -o- ancien et usuel, se rattache au nom i.e. *éƙwo-. Dans un second temps, il traite du verbe arménien orotam « tonner » qui repose surun thème *pord-éh2-i̯eto- « péter » (gr. πορδάω). Selon l'auteur, il faut partir d'une forme avec anticipation de la liquide, soit un post-i.e. *prodāi̯e/o- qui serait parallèle au v.-isl. frata « péter » (p. 230).




PhiN 79/2017: 161



L'article de CLAIRE LE FEUVRE (« Vieux russe dobrŭ zdorovŭ, russe moderne živ zdorov, avestique druuā hauruuā et l'étymologie du slave sŭdravŭ », p. 235–252) est consacré à l'étude de la formule dobrŭ zdorovŭ du vieux russe qui remonte au slave commun. La formule ne figure pas dans les autres langues slaves, qui fournissent une forme visiblement apparentée (serbo-croate živ i zdrav, tchèque živ a zdrav, russe živ-zdorov « en pleine forme ». D'après l'auteur, cette seconde formule est probablement ancienne et constitue un renouvellement formel d'un syntagme indo-européen *gwih3uos solHu̯os̯ « visant et indemne » réfletée par le latin uiuus et saluus et par le gr. att. ὑγιής καί ὅλος. A l'étymologie du sl. com. *sŭ-dórvŭ avec une intonation rude, l'auteur propose la racine *dher- « être ferme » racine anit en sanscrit, mais qui est peut-être une ancienne racine set- (cf. hom. θρῆνος myc. ta-ra-nu / θράνυς « tabouret » (< *dhṛ-h2-nú- « stable »).

ROSEMARIE LÜHR (« Attributive bei den altnordischen Kenningar », p. 253–264) étudie le jeu complexe des kenningar de kenningar, soit la forme ógnar girdibúd « protection contre le combat », d'où « bouclier ». l'article comporte deux parties, dont la première traite de problèmes sémantiques et la seconde des questions relevant de la morphologie. Une attention particulière est portée à la comparaison entre les formes de composition du germanique de l'Est et celles du germanique du Nord, à la fonction du génitif et au radical verbal (instrumental, agentif-transitif, agentif-intransitif, patientif-résultatif, patientif-duratif).

MELANIE MALZAHN (« Kunstprachliches und archaisches in der rigvedischen Metrik am Beispiel von distrahiert zu messapischen e : neue Evidenz für alte Laryngalpräsenz », p. 265–290) examine, dans un premier temps, les archaïsmes dans la métrique du RgVeda, avec la lecture *aiH(i) de certains e. À cela s'ajoute l'étude de la scansion avec « Distraktion » du mot renú- « poussière » à lire *raniyú-, ce qui amène l'auteur à poser un etymon i.-ir. *HraiH-nú, qui confirme l'étymologie par la racine indo-européenne *h3reiH- « s'agiter, vibrer ». Par contre, la scansion *ráyiknas- de réknas- nt. « héritage » paraît erronée à moins que l'on la rapproche avec le groupe de véd. rayí- « richesse ».

H. CRAIG MELCHERT (« Indo-European verbal art in Luvian », p. 291–298) s'intéresse au louvite, langue considérée, à tort, comme vernaculaire par rapport au hittite, langue de la chancellerie. L'auteur relève les emplois répandus de diverses formes rhétoriques et d'autres formules dans le louvite. Précisément, il étudie l'emploi d'une structure de l'épanadiplose (« enclosure », p. 293) avec une structure temporelle (« dans l'année où ») placée à la toute fin du texte (« dans cette même année »). L'accent est également mis sur les allitérations et les rythmes binaires du rituel d'expiation louvite qui sont dotés des accents d'un carmen, rappelant la prière à Mars.




PhiN 79/2017: 162



ANGELO O. MERCADO (« Towards Proto-Indo-European metrics : The Italics Saturbian reinterpreted », p. 299–316) se donne comme tâche l'étude graphématique de l'inscription dite d'Herentas (= Vénus). Il propose une nouvelle analyse métrique sur la base d'un modèle nouveau de scansion en vers saturniens de date italique. Cette approche lui permet de prouver que la prosodie et la métrique, variée mais bien unifiée, de cette inscription sont le mieux liées au vieux latin.

L'article de GREGORY NAGY (« Homer's name revisited », p. 317–330) porte sur la morphologie et la sémantique de la formation du nom d'Homère et le terme ὅμηρος ( « ôtage »). À l'appui des descriptions des Muses et d'autres divinités de la poésie grecque archaïque ainsi que des narrations traditionnelles sur la vie d'Homère, l'auteur montre que les deux emplois sont bien apparentés. En effet, Homère, l'aède aveugle, incarne les liens culturels qui unissent la cité de Smyrne aux autres îles majeures près de la côté de l'Asie Mineure. Ces liens sont si forts que sa condition d'ôtage conduit à son aveuglement : « for this Aeolic city, the city of his birth, Homer is ready to give up his eyesight. For Aeolic Smyrna, Homer is nor inly a hostage : he is the blinded hostage par excellence » (p. 329).

Suivant les travaux de Fr. Bader (« De 'protéger' à 'razzier' au néolithique indo-européen : phraséologie, étymologie, civilisation », BSL 73, 1978, p. 103–219), NORBERT OETTINGER (« Methodisches zur indogermanischen Dichtersprache : formale versus inhaltliche Rekonstruktion », p. 331–342), s'efforce de reconstruire la formule *ser-ṷiHro- peƙu- « veiller sur les hommes et les bêtes ». Selon l'auteur, la collocation *km̥ta ser- a été renouvelée en *ní ser-. De plus, la racine concurente *peh2-, sur laquelle repose le latin pasco, a évincé *ser-. La collocation *ní ser est le résultat d'un double renouvelement formel qui ne se rencontre qu'en indo-iranien (skr. ni pati, av. nipatar « protecteur ») et dans l'arm. nayim (< *n(i)-hayim « regarder vers le bas »). Enfin, la comparaison entre le Hávamál 138–140 vieil-islandais et la légende védique de Śunahśepa fait ressortir la ressemblance du contenu. Cette constatation montre les limites d'une comparaison uniquement sémantique.

DANIEL PETIT (« Lituanien Eržvilkas, une formule poétique indo-européenne ? », p. 343–366) étudie l'étymologie du toponyme lituanien Eržvilkas, qui comporte le formulaire indo-européen des « chiens rapides » (cf. hom. κύνες ἀργοί < *ἀργροί, véd. r̥jí- śvan). Après avoir démontré la fausseté de ce postulat, l'auteur propose l'étymon *h1or g̑h-ó- « en rut » pour l'adjectif aržùs « enragé, furieux ». Le toponyme lituanien Eržvilkas désignerait ainsi le lieu des « loups furieux » (p. 362) et s'expliquerait par l'ellipse de quelque chose comme kaimas « village » (p. 352).

GEORGES-JEAN PINAULT (« Compétition poétique et poétique de la compétition », p. 367–412) propose la racine *h2eṷh1 comme base de la formation du mot homérique *ἄ(F)εθλον. Après avoir montré la valeur du suffixe médiatif *dh-to- (« ce par quoi se manifeste la faveur divine »), qu'il rapproche au véd. ūtí BHŪ « se manifester avec l'aide, venir en aide », l'auteur met en parallèle ce suffixe avec le substantif véd. vája- (< *ṷo g̑-o) « vigueur », dont le sens dérivé renvoie au prix de victoire, et le locatif de but váje « pour (remporter) la victoire, pour le butin». Cette comparaison lui permet de conclure que ces termes expriment la notion de force d'accroissement accordée aux hommes par les dieux, afin de réussir dans une entreprise héroïque (hom. κῦδος).




PhiN 79/2017: 163



RALF-PETER RITTER (« Zur Frage der Reste indogermanischer Dichtersprache im Armenischen », p. 413–418) étudie le nom de l'aigle en arménien (arcui ~arciw). Il repousse la théorie de Ch. de Lamberterie (« Armeniaca I–VIII », BSL 73, 1978, 251–262) sans proposer pour autant de renouvellements pour la second partie du composé qui formait système avec un simple *h2r̥g̑-ú-/-ró (« rapide »).

VELIZAR SADOVSKI (« Epithetabildung und Götternamen-Kataloge. Stilistisches zur iranischen und indischen Dichtersprache », p. 419–448) examine la formation des épithètes avestiques et aux listes de théonymes. Il fait référence au « syndrome d'Hildebrant », à savoir la récurrence de la même seconde partie de composé dans tous les noms d'une fratrie. Ce syndrôme s'observe aussi chez Hés. Théog. v. 257–258 (cf. Λειαγόρη ~ Εὐαγόρη, Πουλυνόη ~ Αὐτονόη).

La contribution de ROLAND SCHUHMANN (« Dichtersprachliches im Waltharius : zum Verhältnis zwischen den Vorlagen und dem Waltharius-Epos anhand der Vergleiche », p. 449–458) porte sur la qualité et l'origine d'une épopée néo-latine, le Waltharius.

MARTIN SCHWARTZ (« The Gathas and other Old Avestan poetry », p. 459–498) fait ressortir, d'abord, la relation synchronique entre hāti « pièce de vers » ( < *séh2-ti-s « action de lier ») et la racine verbale hiš- « entrelancer, lier ». Ensuite, il met en lumière l'ambigüité intentionnelle du sens de formes lexicales et celle de l'interprétation de structures syntactiques de l'Avesta. Cette ambigüité fait partie du développement de la tradition de la stylistique cryptique de la poésie archaïque indo-européenne.

À l'appui des analyses étymologiques du matériel fourni par les diverses traditions indo-europénnes, BRENT VINE (« Autour de sud-picénien qolofitúr ; étymologie et poétique », p. 499–516) s'efforce de démontrer que les détails d'une analyse étymologique sont souvent révélateurs de certains traits de syntaxe et de phraséologie poétique.

Pour ce faire, l'auteur analyse le sud-picénien qolofitúr « erigitur ». Il propose de partir d'une ancienne collocation incluant la racine *dheh1-, soit le type *kelh3- dheh1- « mettre en hauteur ». Au niveau morphologique, il prend comme point de départ un ancien drgré *o-, à savoir *kol(h3)- dhh1-ó- > it. com. *kolθo- « érigé ».




PhiN 79/2017: 164



L'auteur traite aussi du type corrolaire sur degré *o (cf. i.-e. *kor(h1)-dhh1- ó- > *kordh- ó- « gonflé »), ce qui fait penser à une pseudo-racine *kerdh.

L'article se termine par l'étude de l'étymologie du gr. κολοσσός (< *κολοθ-yός) et du type corrolaire κολοφών qui représente *kelh3- *bhuM- « être élevé».

L'article de CALVERT WATKINS (« The Erbessos blues and othe tales of the semantics of case and the semanitics of love among the Western Greeks », p. 517–522) est consacré à la stratégie d'iconicité dans une épigramme en provenance de Grande Grèce, où le même personnage est tantôt sujet tantôt objet : ἈΠολλόδωρος Ξυλλᾶς ἕραται / Fόλχας *ἀ(μ)πυγίζε(ι) Ἀπολλόδωρον.

PAUL WIDMER (« La métrique tokharienne : l'influence indienne et quelques développements tokhariens », p. 523–536) s'intéresse à la métrique du tokharien. En prenant comme point de départ le postulat concernant l'influence du sanscrit sur les textes métriques tokhariens, il parvient à démontrer que cette influence se manifeste dans le contenu aussi bien dans la réalisation formelle de la composition métrique tokharienne. En effet, elle apparaît à travers le choix de formes moyennes metri causa, la terminologie, avec l'emprunt ou le calque, et dans la phonologie.

SUZANNE ZEILFELDER (« Metaphern in Theorie und Praxis », p. 537–550) étudie la désignation du nom de cratère par « vase » (sumérogramme GIS GAL « grand vase »), ce qui est compatible avec l'histoire du mot cratère (gr. κρατήρ « grand vase à mélanger »). Ensuite, il fait ressortir le double jeu de mot avec la formule GIS GAL karp- « lever sa coupe à boire » (se dit du roi) et « arrêter son cratère » (se dit du volcan) (p. 546).

STEFAN ZIMMER (« Aspects de la tradition indo-européenne dans la littérature galloise », p. 551–570) s'intéresse à la littérature moyen-galloise. L'interprétation des noms propres céltiques, des épithètes, des figures étymologiques et rhétoriques, ainsi que des procédés métriques amène l'auteur à faire ressortir l'importance des textes de cette période pour un indo-européaniste aux intérêts poétiques.

En guise de conclusion, il s'agit d'un volume qui réunit des communications originales et bien documentées sur la philologie et la linguistique indo-européenne, la phonétique, la métrique, la morphologie, la syntaxe et la phraséologie. La diversité des travaux montre l'intérêt des spécialistes de grammaire comparée, qui ont participé au colloque, pour l'utilisation poétique ou stylistique des moyens linguistiques dans les langues indo-européennes anciennes.