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Hélène Perdicoyianni-Paléologou (Johannesburg/Durban)



Typologie et comparatisme. Hommages offerts à Alain Lemaréchal. Textes réunis par Injoo Choi-Jonin, Marc Duval et Olivier Soutet, 28. Orbis/Supplementa. Leuven, Paris, Walpole (MA): Peeters, 2010.



Le présent volume recueille des textes écrits en l'honneur d'Alain Lemaréchal, qui a apporté un immense et considérable renouvellement dans le domaine de la typologie linguistique et du comparatisme.

Les articles des linguistes qui ont contribué à confectionner cet ouvrage collectif sont les suivants:


1) Alain Blanc, "Les finales de deuxième personne du singulier de l'impératif aoriste du grec ancien (-σον, -σαι)", 9–19.

L'origine des désinences -σον et -σαι des aoristes sigmatiques fut l'objet de nombreuses études, qui n'ont pas abouti pour autant à établir des conclusions satisfaisantes. Parmi ces études, celle de Garcia-Ramon, qui est la plus récente, semble offrir des résultats vraisemblables. En effet, le linguiste, refusant de voir originellement dans les impératifs en -σον et en -σαι des infinitifs à valeur jussive, hypothèse formulée par Brugmann et ensuite acceptée par Rix, propose de partir d'anciens subjonctifs. Ainsi la première forme serait fondée sur le thème d'aoriste sigmatique, la voyelle brève de subjonctif, la désinence primaire active *-si et une particule *-om, tandis que la seconde comporterait le thème de subjonctif aoriste, la désinence primaire médio-passive *-soi dont le [o] aurait cédé la place au premier élément de dipthongue [a] sous l'influence des formes alphathématiques d'indicatif, de participe et surtout d'impératif. Suite d'une haplologie, on aurait obtenu les formes actuelles de l'impératif aoriste en -σον et en -σαι. La formation de δεϊξον et de δεϊξαι reposerait donc sur le processus suivant: *deikses(i)-om > *deiks(i)-om > δεῖξον; *deiksesoi > *deiksoi → δεϊξαι.




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Selon ALAIN BLANC, cette explication ne pourrait être valable que si ces formes remontaient à une époque archaïque où le subjonctif s'employait encore pour exprimer l'ordre. Par contre, l'existence de la forme d'aoriste en -(d)hi en védique et l'absence de *-dhi à l'aoriste sigmatique grec conduisent l'A. à émettre l'hypothèse que les formes en -σον cachent des formes en *-dhi. Ainsi l'impératif en *-dhi serait suivi d'une particule *om qui s'est soudée à lui. L'évolution phonétique et morphologique de la nouvelle forme serait donc établie ainsi: (a) *deiks-dhi-om → (b) *deiks-a-dhy-om > (c) *deiksasson > (d) deikson ou plus simplement (a) *deiks-dhi-om > (b) deiksdhyom > (c) *deiksson > (d) *deikson.


2) Olivier Bonami – Gilles Boyé, "La morphologie flexionnelle est-elle une fonction?", 21–35.

Intéressés par la typologie des systèmes flexionnels, OLIVIER BONAMI et GILLES BOYÉ s'efforcent de déterminer le statut de la flexion: s'agit-il d' une fonction qui, conçue au sens mathématique, sert à relier les lexèmes à leurs formes fléchies (21, n. 2), ou bien d'une relation?

Après avoir défini les fonctions des approches réalisationnelles de la morphologie fléxionnelle, les As. cherchent à déceler des cas où un système flexionnel n'est pas fonctionnel. Les lexèmes polyparadigmatiques, les formes négatives dans la conjugaison du nepali, et les pronoms faibles du français, considérés comme des marques flexionnelles, sont trois types représentatifs d'exceptions à la fonctionnalité qui n'ont pas pour autant le même statut. Dans le cas des lexèmes polyparadigmatiques, l'exception peut être réduite en postulant des lexèmes synonymes. Dans le cas de l'expression de la polarité en népali, l'exception peut être réduite en postulant des traits abstraits. Dans le cas des pronoms faibles du français, la réduction n'est pas possible en raison de l'omniprésence de la non-fonctionnalité, ce qui fait suggérer la réévaluation de leur statut flexionnel.

Le bref examen de ces trois situations permet aux As. d'établir les conclusions suivantes: a) la morphologie flexionnelle est une fonction, "en ce qu'elle est une branche de la flexion en général" (33); b) le système des pronoms faibles du français, étant bien morphologique, et non pas flexionnel, échappe à la fonctionnalité.


3) Isabelle Bril, "Structure actancielle et diathèse du Nêlêmwa aux langues néo-calédoniennes et austronésiennes", 37–59.

Le présent travail comprend deux volets, dont le premier concerne la présentation générale de la structure actancielle et le second traite des variations de voix ou diathèse en nêlêmwa.




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Au sein de la structure actancielle scindée, l'ordre des indices personnels (sVo) présente des caractères distinctifs par rapport à celui des actants nominaux, qui sont postposés au verbe.

Les indices personnels, de type accusatif, renvoient exclusivement à des entités humaines ou humanisées et ils marquent les fonctions syntaxiques au sein du groupe verbal. Employés comme sujets, ils sont coréférentiels soit à l'actant absolutif des verbes monovalents soit à l'agent nominal des verbes bivalents.

En revanche, les actants nominaux postverbaux à l'ergatif ou à l'absolutif indiquent des rôles sémantiques. Les marques d'agent ne figurent que dans le cadre de la prédication verbale biactancielle avec des agents nominaux, qui sont marqués par les morphèmes ergatifs (e)a ou ru, désignant respectivement les agents humains et les humains indéfinis ou les non-humains. Par contre, le patient nominal est à l'absolutif, tout comme l'actant unique d'un verbe monovalent.

En nêlêmwa, les variations de diathèse active, définie ici "comme le mode d'orientation d'un prédicat vers un des termes de la relation prédicative, associée à des variations de voix et de valence du prédicat, à des variations de rang et de marque des actants" (43), sont exprimées par le choix de la construction ergative ou absolutive, liée à la valence du verbe. De plus, elles se manifestent par augmentation ou diminution de la valence du verbe.

Enfin, le nêlêmwa présente des traits communs avec les langues austronésiennes sur les points suivants: a) la centralité du patient qui est défini comme un actant2, l'actant1 est alors ergatif; dans le cas inverse, il n'est qu'une extension du prédicat et l'actant1 est absolutif; b) les variations de diathèse jouant sur la périphérisation ou la centralité de l'actant2, par rapport au noyau verbal; c) les marques d'agent génitives.


4) Jean-Pierre Chambon, "Pratique étymologique en domaine (gallo)roman et grammaire comparée – reconstruction. A propos du traitement des mots héréditaires dans le TFL et le FEW", 61–75.

Consciencieux de l'importance que revêt le projet en cours de la révision sélective du TFL-Etym pour la révitalisation des différents domaines de l'étymologie française, JEAN-PIERRE CHAMBON se propose d'exposer ses propres réflexions critiques portant sur le travail étymologique tel qu'il se présente dans TFL mais aussi dans FEW de Walther von Wartburg.

Après avoir révélé l'aspect oral des mots héréditaires et de leurs étymons, il remet en question les objets linguistiques du discours étymologique en établissant un nouveau principe selon lequel "le discours étymologique ne porte pas sur la langue, mais sur le code écrit" (63).




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Ensuite, il met en évidence le rapport de cohérence qu'entretiennent le thème et le rhème. Celui-ci repose sur la nature du discours étymologique. Ainsi "si le thème sur lequel porte le discours étymologique est un mot écrit (du français), il est tout naturel ... que le rhème soit lui aussi un mot écrit (du latin)" (63–64). Cette constatation permet à l'A. de déterminer le déplacement du discours étymologique qui se meut de l'écrit dictionnairique à l'écrit dictionnairique, "en se conformant à une conception de la langue comme substance et forme fondamentalement graphiques" (64). La conception et la pratique graphocentriques de l'étymologie, telles qu'elles sont formulées par l'A, sont incompatibles avec la notion de "mot héréditaire", à savoir d'un mot oral transmis par tradition orale, ne pouvant être recherché dans un corpus écrit.

Ceci posé, l'A. démontre que la méthode de comparaison-reconstruction de l'étymon en tant que forme ancestrale se révèle plus efficace que celle de la pioche, pourtant généralement admise. En effet, cette démarche confère le privilège d'établir l'histoire des unités lexicales héréditaires singulières aussi bien que l'histoire des systèmes linguistiques.

La suite de l'étude fait état de la théorie des dérapages métonymiques contrôlés, de celle des dérapages incontrôlés dans le TFL et de deux effets majeurs de la conception graphocentrique de l'étymologie. Selon, l'A., le graphocentrisme provoque non seulement une altération permanente des rapports historiques réels mais aussi une inversion complète de ces rapports. En outre, le graphocentrisme peut conduire à "une pseudo-stratification des mots hérédiataires directement déduite de l'état de la documentation textuelle latine" (68).

La dernière partie est consacrée aux étymons à astérisques. L'A. propose l'abandon de la bipartition des bases étymologiques des mots héréditaires, dont la majeure partie découle du latin écrit et figure sans astérisque. En revanche, les mots qui ont pour origine le "latin vulgaire" ou le "latin populaire" sont constamment précédés d'un asterisque. Du point de vue linguistique, cette bipartition s'avère absurde pour deux raisons complémentaires: d'une part, qu'elles soient liées ou non étymologiquement au latin, toutes les bases étymologiques des mots héréditaires sont des reconstructions qui méritent d'être signalées par un asteriques; d'autre part, le système linguistique du français n'est pas fondé sur deux sources, mais sur une seule.


5) Denis Cressels, "La notion de marque dans l'organisation des systèmes casuels", 77–92.

À l'appui de données translinguistiques sur l'expression de contrastes entre termes syntaxiques nucléaires, DENIS CRESSELS s'efforce d'éclaircir la notion de cas non marqué.




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Dans une première étape, il fournit un bref aperçu des notions de base de la typologie de l'alignement. Celle-ci est fondée sur trois notions désignées par les abréviations suivantes: A indiquant l'agentif, P renvoyant au patientif et U qu'il définit "comme unique terme (s'il existe) dont les caractéristiques de codages sont semblables à celles de l'un des deux termes essentiels de la construction transitive" (79).

Dans une seconde étape, il procède à l'analyse des types majeurs de marquage de A, P et U qui figurent indistinctement à une forme qui coïncide avec la forme de citation du nom, et aucune adposition n'intervient pour spécifier leur fonction.

Les types communs de marquage de A, P et U relèvent, d'une part, de l'alignement accusatif et, d'autre part, de l'alignement ergatif. Dans le cadre de l'alignement accusatif, seul P peut apparaître, soit à une forme différente de la forme de citation, soit combiné à une adposition. En revanche, dans le cadre de l'alignement ergatif, seul A peut apparaître, soit à une forme différente de la forme de citation, soit combiné à une adposition.

Au sein de ces deux types, le terme U est à une forme syntaxiquement non marquée, dont l'utilisation s'étend à l'un des deux termes essentiels de la construction transitive.

Dans une troisième étape, l'A. aborde l'examen des types mineurs de marquage de A, P et U qui sont comme suit:

a) le "nominatif marqué": U/A marqué vs P non marqué. Ce type suit l'alignement accusatif, parce que U et A sont traités de manière identique et contrastent avec P, mais les noms ont pour les fonctions U/A une forme casuelle distincte de la forme de citation, ou se combinent avec une adposition, alors que la forme du nom assumant le rôle de P est identique à la forme de citation;

b) U/A marqué vs P marqué. Ce type se situe comme le précédent dans le cadre de l'alignement accusatif et il est illustré par des langues, qui possèdent à la fois un marqueur -o ou P et un marqueur -ga, désigné habituellement comme "nomnatif" pour les rôles U et A;

c) l'"absolutif marqué": U/P marqué vs A non marqué. À l'opposé des deux précédents, ce type s'inscrit dans l'alignement ergatif. Toutefois, les noms qui assument le rôle A figurent à la forme de citation et ne sont suivis d'aucune adposition. En revanche, les noms qui fonctionnent comme U/P sont à une forme casuelle distincte ou suivis d'une adposition.




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d) U/P marqué vs A marqué. Ce type de marquage suit également l'alignement ergatif qui est constitué des noms qui employés dans le rôle de A, figurent en un cas ergatif ou sont accompagnés d'une adpostition ergative. Par contre, une marque "absolutive" apparaît dans les rôles U/P.


6) André Crépin, "Volumétrie et versification vieil-anglaise", 93–98.

ANDRÉ CRÉPIN propose une analyse volumétrique de la poésie vieil-anglaise qui étant d'origine orale, recourt à des procédés liés à l'oralité, tels allitération, expressions formulaires, motifs et thèmes traditionnels.

L'analyse est fondée sur l'opposition des segments forts et des segments faibles. Cela l'amène à établir la distinction entre le registre majeur qui comprend les segments fortement accentuées et les lexèmes à sens plein, et le registre mineur, qui comporte les éléments faiblement accentuées et les "mots grammaticaux".

Pour la clarté de l'exposé, l'A. procède à la notation des syllabes, au moins celles du registre majeur. Ainsi "les syllabes fortement accentuées à structure volumineuse (noyau vocalique long ou noyau bref suivi de plusieurs consonnes)" (94) sont notées 2; "une syllabe contiguë, c'est-à-dire faisant corps avec la syllabe du radical fortement accentuée mais elle-même moins fortement accentuée" (95) est notée 1; ... "une syllabe fortement accentuée à noyau bref suivi d'une seule consonne ambisyllabique faisant corps avec la syllabe suivante, moins fortement accentuée" (95) est notée 2'; les syllabes allitérantes sont notés 2.


7) Laurent Dubois, "Diathèse et anthroponymie grecque", 99–100.

LAURENT DUBOIS propose une "traduction" pour certains mots composés onomastiques bipartites tirés des trois derniers volumes du Lexicon of Greek Personal Names de P. M. Fraser et E. Matthews.

Ces anthroponymes, dont la première partie repose sur une forme thématique de troisième personne sans particule actualisante -i, supposent un syntagme sous-jacent causatif du type de Μενέλαος "celui qui fait tenir bon son peuple en armes". Parmi ces anthroponymes, l'A. ne traite que ceux qui renvoient à des noms de chefs dont la seconde partie est -damos et -laos.

Pour la commodité de la présentation, il procède par un classement qui prend en compte les différentes attitudes du chef militaires ou politique à l'égard du peuple, aussi bien dans le monde aristocratique de l'époque archaïque et dans celui de l'époque classique.




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Ce critère lui permet de distinguer les catégories des anthroponymes composés suivantes: a) le chef de guerre comme "celui qui entraîne son peuple au combat"; b) le chef désigné comme "celui qui insuffle la confiance à ses troupes"; c) le chef désigné comme "celui qui sait contenter ses troupes" ou "qui fait vaincre"; d) le chef désigné comme "celui qui fait résister ses troupes"; e) le chef caractérisé comme "celui qui ramène son armée saine et sauve"; f) le chef politique ou militaire considéré comme le "libérateur de son peuple"; g) le chef politique désigné comme qui, lors des assemblées, persuade son peuple d'agréer telle ou telle décision politique; h) le chef "qui fait prospérer son peuple"; i) le chef "organisateur".


8) Marc Duval, "Exclamations orientées vers A, L, ou A.L.?", 111–127.

Ce travail vise à mettre en évidence la parenté formelle interrogation – exclamation, déjà admise par les spécialistes de la prosodie, d'une part, et à éclaircir leur différenciation sémantique, de l'autre.

Après avoir démontré que l'exclamation et l'interrogation partagent des marques prosodiques, MARC DUVAL étudie les outils d'analyse des types phrastiques. Tout en les considérant comme liés aux rôles énonciatifs des participants à la situation d'énonciation, il procède par distinguer deux catégories fondamentales d'orientation: celle qui caractérise l'assertion, auquel cas la proposition est orientée vers le locuteur et "destinée à recevoir sa valeur de verité au moment de et par l'énonciation" (113) et celle qui détermine l'interrogation. Dans ce cas, la proposition est dirigée vers l'allocutaire et "destinée à recevoir sa valeur de verité après le moment de l'énonciation" (114).

La troisième étape de l'étude fait état de la propriété commune à l'assertion et l'interrogation, qui est celle de la possibilité de rapporter explicitement des propos et dont l'exclamation est dépourvue. Cette constatation amène l'A. à établir la distinction entre la valeur "transitive" des énoncés assertifs et interrogatifs, qui visent à informer l'allocutaire d'un état de choses et la valeur "intrasitive" des énoncés exclamatifs, qui ne sont pas orientés vers l'allocutaire.

La quatrième étape est consacrée à l'analyse actancielle de l'opposition diathétique entre types phrastiques. L'A. émet deux hypothèses, dont la première est fondée sur le fait que les assertions et les interrogations peuvent être reprises au discours indirect avec mention du destinateur et du destinataire et de la sorte attribue une double orientation à chacun de ces énoncés. En revanche, la seconde hypothèse sert à justifier la "valeur transitive" des assertions et des interrogations, mise en lumière par la possibilité d'indiquer le destinaitaire dans le discours rapporté. Cette valeur est considérée comme une propriété du couple assertion / interrogation.




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L'étude se termine par la description des traits similaires et distinctifs de marquage, qu'ils soient morphologiques ou prosodiques.


9) Alexandre François, "Des valeurs en héritage: les isomorphismes sémantiques et la reconstruction des langues", 129–145.

ALEXANDER FRANÇOIS se donne comme objectif de comparer les configurations sémantiques, à savoir "des valeurs sémantiques propres à une forme particulière (morphème, lexème, phrasème), autrement dut son signifié ou sémème" (129). Son travail comporte deux étapes, celle de l'observation, qui relève davantage de la typologie et celle du comparatisme et celle de l'interprétation des isomorphismes observés entre les deux langues comparées, ce qui nécessite l'intervention de la linguistique historique. Dans cette partie, l'A. présente les résultats auxquels a abouti son travail d'observation et de description linguistique sur la diversité des formes et la concordance des valeurs dans les dix-sept langues du nord Vanuatu, en Mélanésie.


10) Jacques François, "Notations prédicatives et corrélation syntactico-sémantique", 147–165.

Ce travail est consacré à la notation de la logique des prédicats telle qu'elle est déterminée dans les travaux d'Alain Lemaréchal.

À l'appui de la distinction établie par le linguiste français entre notation stratifiée, d'une part, et "notation qui accorde un statut prédicatif à chaque rôle actanciel" (147), de l'autre, JACQUES FRANÇOIS fait ressortir l'influence qu'ont pu exercer sur le linguiste français les principes de la Functional Grammar de Simon Dik et de la "logique des événements des actions" de David Davidson.

Dans un second temps, il étudie la notion de corrélation (ou interface, correspondance, 'linking/mapping') et le parallélisme logico-grammatical chez les travaux de Charles Serrus. Ensuite, il cherche à comprendre dans quelle mesure et de quelle manière la syntaxe et la sémantique s'articulent et s'interpénètrent. Pour ce faire, il étudie le degré d'autonomie de la syntaxe relativement à la sémantique en prenant en considération les quatre positions épistémologiques: a) la thèse de la non-autonomie de la sémantique; b) la thèse inverse de la non-autonomie de la syntaxe; c) la thèse de l'autonomie absolue des deux composantes; d) la thèse de l'autonomie relative de la syntaxe à l'égard dela sémantique. Cette démarche accomplie, l'A. réussit à montrer les deux aspects de l'évaluation comparative des théories de la corrélation syntactico-sémantique, celui de la validation psycholinguistique et celui de la validation typologique.




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11) Huguette Fugier, "Malgache dia ou l'histoire d'un anaphorique qui devint connecteur", 167–180.

Pour mieux illustrer le rôle qu'assume la particule dia dans l'organisation de l'énoncé, HUGUETTE FUGIER fait ressortir, d'abord, ses origines morphologiques et sa fonction d'anaphorique, généralement admise.

Ensuite, des rapprochements syntaxiques et sémantiques l'amène à affirmer que dia n'est réellement pas un équivalent de izany hoe, "c'est-à-dire un outil qui depuis le N antécédent ouvre vers l'avant sur le prédicat ou l'expansion associée à ce N" (177). Cette mutation permet à l'A. d'expliquer l'évolution de dia vers le statut de connecteur.


12) Zlatka Guentchéva, "Quel est le statut du clitique dans la construction à 'objet redoublé' en bulgare", 181–193.

L'objectif de ce travail est de trouver les facteurs qui conditionnent l'emploi de l'objet redoublé et de déterminer les facteurs qui déterminent sa réalisation obligatoire dans certains contextes et facultative dans d'autres. Par "objet redoublé", ZLATKA GUENTCHÉVA entend les constructions "où l'argument objet (direct ou indirect) se trouve en cooccurrence avec un clitique pronominal qui lui est co-référentiel et qui indique également sa fonction syntaxique au sein de la relation prédicative" (181).

La première partie du travail traite de la flexibilité de l'ordre des mots en bulgare, qui est "une langue à servitude subjectale" (183).

La seconde partie met en valeur les propriétés des constituants dans la construction à redoublement clitique, qui impose un ensemble de paramètres qui rendent son emploi obligatoire ou optionnel. Parmi ces paramètres, l'A. considère comme le plus important celui de la définitude et de la spécificité de l'objet redoublé.

Dans la dernière partie, l'A. cherche à savoir si, dans les constructions à redoublement clitique, le clitique pronominal est un affixe, un argument, une tête fonctionnelle et une marque d'accord, ou encore, un anaphorique. Au bout de son analyse, il admet l'hypothèse qu'en tant qu'indice d'argument, le clitique est un marqueur non anaphorique de thématisation. Par contre, dans le cas de l'extraposition de l'argument object, il affirme que le clitique entretient une relation anaphorique avec le constituant nominal parce que ce dernier, dans la phrase segmentée, ne fait pas partie de la relation prédicative où figure le clitique.




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13) Françoise Guérin, "Relativisation en tchétchène", 195–209.

FRANÇOISE GUÉRIN se propose d'explorer le fonctionnement des propositions relative en tchétchène. L'étude des stratégies que le tchétchène utilise afin de relativiser un nom par le biais d'un verbe ou d'un dérivé verbal noyau cental d'une proposition l'amène à relever deux types de relativisation, celui de relativisation avec antécédent exprimé et celui de relativisation sans antécédent exprimé. De plus, elle lui permet de distinguer quatre types de relativiseur: a) un participe passé actif; b) un participe passé actif plus connecteur; c) un participe passé antipassif; d) un participe passé antipassif actif.

L'accent est également mis, d'une part, sur la relativisation du nom qui n'est possible que dans les cas où il actualise le relativiseur ou/et le noyau verbal et, d'autre part, sur la présence obligatoire d'un nom assumant deux fonctions, dont l'une par rapport au noyau principal verbal, et l'autre par rapport au noyau secondaire. D'après l'A., c'est la valence des noyaux qui est du ressort de la fonction sujet du noyau principal verbal et de la fonction sujet du noyau secondaire déterminé par l'antipassif.

La dernière partie du travail est consacrée à la relativisation d'un nom dans les contextes où l'antécédent n'est pas exprimé. Dans ce cas, la relativisation d'un nom assumant une autre fonction que la fonction sujet peut s'effectuer par la juxtaposition au noyau secondaire du connecteur que requerrait le nom s'il était exprimé. D'autre part, le noyau secondaire n'est apte à assumer une fonction que lorsque son antécédent non exprimé est un patient.


14) Claude Hagège, "De l'imputation d'actance par déplétion de prédicat, et de la nature du prédicat", 211–224.

L'étude du phénomène de l'imputation d'actance par dépletion de prédicat permet à CLAUDE HAGÈGE d'approfondir la notion de prédicat.

Pour ce faire, l'A. examine, d'abord, des langues, comme le nahuatle, le tahitien, le tagalog, le palau et peut-être le mwotlap, qui ont accès à l'énoncé au moyen de la déprédicativation des lexèmes à prédicativité inhérente.

En second lieu, il aborde les langues dans lesquelles il faut, pour ce même propos, charger en prédicativité des lexèmes verbaux qui sont dépourvus par eux-mêmes de propriété prédicative, et qui ne l'acquièrent que par l'emploi d'un auxiliaire prédicatif spécifique. Cette démarche montre que dans certaines langues la relation entre ce morphème prédicatif et le sujet de l'énoncé n'est exprimée que par la marque de la détermination d'un nom par ses expansions.




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De ce lien logique résultent trois situations: a) dans les langues où les lexèmes verbaux ne sont pas dotés de fonction prédicative, l'emploi d'un prédicatif spécial, ce que l'A. appelle imputation de prédicativité, est indispensable; b) dans les langues où les lexèmes nominaux sont dépourvus de prédicativité inhérente, le problème ne se pose pas; c) dans les langues où les lexèmes ont une prédicativité inhérente, le recours à l'imputation d'actance par déplétion de prédicat s'avère nécessaire.


15) Mireille Huchon, "La langue de la Nouvelle-France: réalités et fiction dans le premier lexique français/améridien", 225–247.

La présence du lexique de la langue de la Nouvelle France à la fin du Brief Recit de la second navigation de Jacques Cartier invite MIREILLE HUCHON à s'interroger, d'abord sur l'intérêt historique de ce texte fondateur de l'histoire du Canada.

Ensuite, elle pose des questions sur l'auteur, la part des informations fournies par Cartier, les raisons de sa publication retardée en 1545, et, enfin, les enjeux de la narration qui s'inscrit dans l'histoire linguistique aussi bien que dans l'histoire littéraire de l'ancienne et de la Nouvelle France.

L'accent est également mis sur l'utilité du lexique qui, malgré son aspect artificiel, a servi de base à Thevet pour établir une conversation fictive avec l'étranger et de modèle à Lescarbot pour déterminer au début du XVIIème s. le nouveau langage du Canada, lui assignant une valeur d'archétype.


16) Georges Kleiber, "Typologie des noms: le cas des noms de couleur", 249–263.

GEORGES KLEIBER se propose de mettre en valeur les principaux traits des noms de couleurs du type le rouge, le blanc, le bleu azur, etc., ce qui lui permettra de mieux saisir leur originalité sémantique. Pour ce faire, il procède de deux manières complémentaires: d'une part, il étudie la place que les noms de couleurs occupent dans la classification des noms et, d'autre part, il essaie de déterminer le type de noms auquel ils appartiennent.

La première partie considère les noms de couleurs comme de propriétés. En effet, tout comme les noms de propriétés, les noms de couleurs se révèlent non autonomes référentiellement et, étant massifs, mais dépourvus de substance, "s'opposent par ces deux traits aux noms massifs concrets ou noms de matière" (251).




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La seconde partie étudie les noms de couleurs comme une classe de noms irréductible. Par rapport aux adjectifs de couleur qui désignent la couleur comme qualité ou propriété, les noms de couleurs présentent la particularité de considérer les couleurs comme des entités autonomes. Selon l'A., la substantification directe de l'adjectif de couleur, à savoir le passage par dérivation impropre de l'adjectif de couleur au nom de couleurs, représente iconiquement la marque morphologique d'un tel transfert et conduit à "considérer l'entité désignée comme une chose elle-même et non comme une qualité des choses" (259).


17) Pierre-Yves Lambert, "La reconstruction du gaulois, entre typologie et comparaison", 265–278.

PIERRE-YVES LAMBERT essaie d'éclarcir le débat qui oppose les partisans celtisants d'une unité dialectale gallo-brittonique à ceux d'une unité celtique insulaire.

L'unité gallo-brittonique est une hypothèse comparativiste qui se fonde sur l'interprétation de documents inédits et sur les innovations communes observées en gaulois et en brittonique.

En revanche, l'unité celtique insulaire est une hypothèse typologique. L'idée de cette unité et bien renforcée par l'héritage culturel commun et les théories des archéologues insulaires concernant l'autochtonie des Celtes. La comparaison typologique des celticismes permet à l'A. de montrer dans quelle mesure le celtique insulaire se rapproche des langues parentes éloignées et se différencie des langues parentes très proches.


18) Hee-Young Lee, "Étude contrastive des verbes aller et venir en coréen et en français", 279–293.

La notion d' "empathie" sert d'outil à HEE-YOUNG LEE pour étudier les différents emplois des verbes "aller" et "venir" du coréen et du français. L'appel à cette notion est justifié par le fait que le mouvement spatial, étant dépourvu de dénotation ou d'orientation, résulte de la conceptualisation du locuteur.

Après avoir mis en valeur l'intérêt de l'empathie pour les verbes ka-ta- "aller" et o-ta "venir" du coréen et leurs équivalents en français, l'A. établit les relations différentielles et similaires qu'entretiennent le verbe ka-ta dénotant un mouvement d'éloignement par rapport au "point d'empathie", considéré comme le point de départ par rapport au locuteur, et les verbes o-ta et venir qui s'assignent un mouvement de rapprochement vers le "point d'empathie", pris au sens du point d'arrivée, correspondant en principe à la deixis du locuteur.




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Ceci fait, l'A. constate que les verbes français aller et venir partagent des emplois identiques dans le domaine spatial – en effet, par l'usage d'aller il empathise seulement sur le point de départ, alors que en utilisant venir il le fait sur le point d'arrivée. En plus, à l'appui de diverses constructions que régissent ces verbes, l'A. fait ressortir leur interchangeabilité d'emploi. Ainsi aller peut se remplacer par venir et vice versa lorsque les compléments permettent au locuteur d'empathiser soit sur le point de départ soit sur le point d'arrivée. De même, la substitution de ka-ta à o-ta ou inversement est possible dans des énoncés marquant le point d'arrivée ou le point de départ de manière implicite.

La troisième partie est consacrée à la comparaison de certains emplois métaphoriques des verbes ka-ta et o-ta avec les verbes arriver, (s'en) aller, venir etc. Le choix des verbes coréens pour exprimer un mouvement métaphorique dépend généralement du point de repère du locuteur. En revanche, la sélection des verbes français pour marquer ce même mouvement relève de l'aboutissement au point d'arrivée.

La quatrième partie examine la valeur temporelle des verbes ka-ta/o-ta et aller/venir. En coréen, le locuteur conçoit le procès du futur comme s'approchant de lui, auquel cas il emploie le verbe o-ta, et le procès du passé comme s'éloignant de lui. Dans ce cas, il utilise le verbe ka-ta. Contrairement au coréen, qui adopte la perspective "temps-mobile", le français applique le modèle "ego-mobile". En d'autres termes, le locuteur conçoit le procès du passé comme s'approchant de lui et le procès du futur comme s'éloignant de lui.

La dernière partie confronte les emplois aspectuels des verbes coréens ka-ta/o-ta avec ceux des verbes français aller/venir. En coréen, les emplois auxiliaires des verbes ka-ta et o-ta dénotent l'aspect continuatif. Dans ce cas, ils figurent avec d'autres verbes en formant un seul syntagme verbal figé. Par contre, employés avec un autre verbe à la forme infinitive comme marqueurs de temps ou d'aspect, les verbes français aller et venir forment des périphrases dénotant l'étape immédiatement postérieure à la fin du procès ou passé récent [venir de + inf.] ou bien l'étape antérieure au début du procès ou futur proche [aller + inf.].


19) Claire Moyse-Faurie, "(Dé)grammaticalisation d'expressions spatiales dans les langues de l'Italie ancienne", 295–314.

À partir d'exemples choisis dans quelques langues de Nouvelle-Calédonie et de Polynése, CLAIRE MOYSE-FAURIE présente, dans un premier temps, une série de développements grammaticaux d'expressions spatiales d'origine nominale, donnant lieu à des marques actancielles ou à d'autres prépositions ou locutions locatives.




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Dans les langues kanak, les noms "dépendants" ou bien "relationnels", à détermination possessive obligatoire, sont le plus représentés et appartiennent généralement à des champs sémantiques connus pour leur tendance à relever du type de détermination inaliénable.

Dans un second temps, l'A. fait l'esquisse de l'évolution sémantique de trois verbes de mouvements ('aller', 'retourner', 'descendre') en directionnels, marques aspectuelles, intensifieurs, marques du réfléchi et de réciproque. Cette évolution traduit "une désémantisation liée soit à l'abandon de certains fonctions soit à une plus forte grammaticalisation" (295).

Dans un troisième temps, l'A. présente un cas de dégrammaticalisation à partir de morphèmes grammaticaux d'origine spatiale. L'étude du verbe d'existence polynésien iai, qui est d'usage fréquent dans plusieurs langues polynésiennes, amène l'A. à montrer qu'il s'agit du résultat d'une dégrammaticalisation qui s'est sans doute réalisée dans un contexte prédicatif de type locative.


20) Anna Orlandini – Paolo Poccetti, "Structures corrélatives en latn et dans les langues de l'Italie ancienne", 315–331.

Dans ce travail, ANNA ORLANDINI et PAOLO POCCETTI enquêtent sur les deux types de structures corrélatives, l'une en relation avec la coordination connective (et), l'autre en rapport avec la coordination disjonctive (aut, quam).

Au sein du premier type, les deux linguistes dégagent deux catégories de relation prédicative en rapport avec la coordination, suivant que l'ordre des propositions est libre ou figé.

Une fois cette distinction faite, ils étudient, d'abord, les structures corrélatives proches de la coordination symétrique. L'ordre libre de deux propositions, leur appartenance au même niveau hiérarchique, leur réalisation simultanée permettent aux auteurs de constater que les deux propositions s'assignent une valeur identique.

Ensuite, ils s'interrogent sur les rapports corrélatifs qu'entretiennent les structures dont l'ordre est figé. Par opposition aux précédentes, ces structure sont proches de la coordination asymétrique et caractérisées par le fait que la première proposition est présupposée par la seconde et que leur réalisation suppose un décalage temporel. Ainsi, la seconde proposition assume un role important au niveau énonciatif et informationnel.




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Pour ce qui est des structures corrélées en rapport avec la coordination disjonctive, elles sont analysées sur la base du lien qui existe entre comparaison, négation et disjonction.

Le rapport entre la négation et la comparaison est manifeste en védique, où la particule sert à exprimer la négation aussi bien que la comparaison, en gaulois moyen, où la négation sert à introduire le second terme de comparaison, et en grec, qui emploie la conjonction ἤ qui est doté à la fois de valeur comparative et disjonctive. Pour ce qui est du latin, la particule quam peut fonctionner seule ou bien dans la corrélation connective, auquel cas elle exprime l'identité et la symétrie, et disjonctive. Dans ce cas, elle renvoie à la notion de préférence, voir du choix alternatif.


21) Daniel Petit, "Le médiatif en lituanien moderne", 333–349.

DANIEL PETIT se propose d'illustrer l'existence de marques médiatives dans la famille des langues indo-européennes et particulièrement dans le domaine des langues baltiques.

Après avoir défini les "marques médiatives" comme l'élément qui indique que "l'information transmise n'est pas obtenue à la suite d'une expérience personnelle" (333) de l'énonciateur, l'A. fait état brièvement des stratégies de marquage du médiatif et la diversité de ses formes d'expression.

La suite de l'étude est consacrée au développement complexe du "mode relatif" en lituanien dont il distingue cinq sous-catégories sémantiques:

a) fait présenté par l'énonciateur comme non-existant ("irréel"). Cet emploi du mode relatif considère l'énoncé comme dépourvu de toute valeur intrinsèque de vérité et de la sorte comme faux;

b) fait présenté par l'énonciateur comme douteux ("dubitatif"). Ce second emploi du mode relatif exprime une distance critique de l'énonciateur par rapport de l'énoncé;

c) fait présenté par l'énonciateur comme surprenant ("admiratif"). Par ce type d'emploi du mode relatif l'énonciateur présente le fait qu'il relate comme surprenant;

d) fait présenté par l'énonciateur comme connu à travers une source d'information externe ("médiatif" proprement dit). Par le biais de cet emploi du médiatif l'énonciateur signale que l'information qu'il transmet lui est parvenue à travers une source externe, tout en conservant une attitude de neutralité vis-à-vis de sa validité;




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e) fait présenté par l'énonciateur comme le résultat d'une supposition fondée sur des indices ("inférentiel"). Ce type d'emploi permet à l'énonciateur de présenter un fait dont il n'a pas été le témoin, mais il suppose la réalisation en se fondant sur des indices.

Cette approche sémantique du mode relatif amène l'A. à en dégager deux types d'emplois principaux: d'une part, l'emploi médiatif proprement dit, dont peuvent dériver l'emploi irréel et l'emploi inférentiel; d'autre part, l'emploi "contradictoire", exprimant une divergence entre le point de vue de l'énonciateur et le contenu de l'énoncé, et dont peuvent résulter l'emploi dubitatif et l'emploi admiratif.


22) Georges-Jean Pinault, "Le pronom d'ipséité en tokharien", 351–365.

Après avoir montré que dans le tokharien commun, à savoir la langue reconstruite dont sont issus le tokharien A et le tokharien B, la flexion présente des points communs avec celle d'autres morphèmes, GEORGES-JEAN PINAULT fait ressortir la similarité entre la flexion du tokharien B makte et l'adjectif thématique en -e.

Ensuite, il procède à l'analyse étymologique de B makte < *mäkte, et de son correspondant A mätta-k au moyen d'une chaîne de morphèmes, dont le dernier serait initialement le thème de démonstratif. Cette démarche lui permet de faire ressortir, d'une part, la complexité du morphème qui est l'origine du pronom d'ipséité B makte (< *mäkte) et, d'autre part, les conditions de l'évolution phonétique de l'élément mo > * > *- que comporte A mättak.

Ce point établi, l'A. procède à la comparaison entre le pronom d'ipséité et les morphèmes interrogatifs, qui comportent comme dernier élément un morphème nettement apparenté au démonstratif.


23) Bernard Pottier, "Les verbes de localisation statique", 367–373.

BERNARD POTTIER étudie une trentaine de verbes espagnols qui s'appliquent à une entité située stable (368), appelée également cible/figure/trajector.

Pour atteindre son objectif, il prend en considération, d'une part, les variations du verbe fondamental de localisation statique et, d'autre part, le fait que celle-ci peut être la conséquence d'un "parcours mental du contenu sémantique d'un verbe qui généralement exprime un mouvement réel" (368), ce qui met en valeur l'abondance de l'esprit innovant et l'imaginaire des locuteurs.




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24) Georges Rebuschi, "Sur la typologie des conjugaisons simples et composés", 375–395.

À partir de la notion descriptive de "complexe verbal" ou CV, telle qu'elle a été établie par Noam Chomsky et appliquée en anglais, GEORGES REBUSCHI s'efforce de décrire les CV d'autres langues, génétiquement tout à fait indépendantes, tels le basque, le swahili et le français.

Pour ce faire, l'A. montre, d'abord, que les rapports entre flexion verbale [temps et/ou accord], qui est un constituant indispensables des phrases conjuguées, et verbe lexical, qui est généralement appelé "principal" à côté d'un auxiliaire, font l'objet d'un débroussaillage sur la base de l'naglais, du français et du basque.

Ensuite, il met en rapport la notion du futur conçu comme modalité de prédiction avec la modalité usuelle.

Ceci fait, il traite des temps simples et composés du swahili, qui présentent certaines dissemblances mais ils ne s'écartent pas radicalement du modèle général.

La dernière section de l'étude est consacrée au cas d'éléments phoniquement nuls, qu'ils soient d'affixes aspectuels ou de modalité, tel le subjonctif nu en anglais.


25) Martin Riegel, "Les indications de mesure prédiquées. Architectures lexico-syntaxiques et propriétaires interprétatives", 397–412.

La description des emplois prédicatifs des "indications de mesure" dans une perspective résolument onomasiologique fait l'objet du travail de MARTIN RIEGEL.

Considérant la mesure de l'entité comme évaluation d'une dimension, l'A. en distingue les types de paramétrage suivant: a) les dimensions des entités supposent que soient reconnues dans les objets concrets aussi bien que dans les événements et dans les états des entités dimensionnelles, toutes mesurables; b) les unités de mesure, qui sont choisies comme unités de référence pour évaluer une dimension donnée en termes d'un nombre de telles unités; c) les mesures proprement dites, qui associent un déterminant quantificateur et une unité de mesure pour constituer un groupe nominal de mesure.

Ensuite, il étudie chacune des constructions où les "indications de mesure" apparaissent comme une architecture syntaxique d'accueil pour une configuration conceptuelle qui, d'une part, en détermine les traits interprétatifs et, d'autre part, lui confère également les traits syntaxiques additionnels liés à cet investissement sémantique.




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26) Rudolph Sock, "La Quantité: implications pour un modèle de timing de la quantité vocalique", 413–430.

À la base des données articulatoires et acoustiques obtenues pour plusieurs langues apparentées ou non, RUDOLPH SOCK tente de mettre au jour les specificités de ces langues (l'allemand, l'alsacien, l'arabe, le danois, l'italien, le suédois, le twi et le woolf) et les propriétés qui les unissent, ce qui lui permettra d'évaluer les régularités phonétiques qui demeurent à travers ces langues, les dialectes et les locuteurs.

Pour mener à bien son travail, l'A. met en œuvre deux démarches complémentaires: d'une part, il dégage les différents types de contraintes articulatori-acoustiques liées au timing des differences de structures syllabiques sur lesquelles reposent les oppositions de quantité vocalique et, d'autre part, il cherche à relever les facteurs qui concernent les spécificités linguistiques, dialectale et individuelles.

Cela fait, l'A. tire une série des conclusions sur a) le timing de la quantité vocalique "qui reposerait sur un système sensori-moteur, dont le domaine d'organisation spatio-temporelle serait le champ Voyelle-Consonne (427); b) les phasages applicables aux spécificités linguistiques et aux stratégies individuelles qui sont repérables à l'intérieur des régularités sensori-motrices, sous forme d'ajustements ou de réaménagements sur le plan des phases; c) l'apport de la consonne à une tâche vocalique, qui peut être directement de nature linguistique ou indirectement de nature phonétique; d) la différence de qualité vocalique entre la voyelles brève et son homologue longue, qui est fréquente dans les langues présentant une opposition de quantité vocalique fragile.


27) Olivier Soutet, "Reformulation de la chronogénèse et position des formes du présent et des deux passés de l'indicatif", 431–444.

Cette étude fait suite à des contributions récemment écrites par OLIVIER SOUTET sur la position des formes non conjugées du verbe, la position des deux subjonctifs et la position du future et du conditionnel.

L'A. tâche d'illustrer les emplois du passé simple, de l'indicatif présent et de l'imparfait à partir de rubriques nettement identifiées et, à la base de l'hypothèse déjà émise sur "l'existence d'un seuil large entre le mouvement fermant et le mouvement ouvrant" (434), de montrer que morphologiquement le passé simple traduit un point inversif consitiué par le moment inversif entre mouvement fermant et mouvement ouvrant, tandis que l'indicatif présent et l'imparfait représentent des tiroirs-vecteurs.

Pour ce faire, il prend en considération les deux traits majeurs des emplois du passé simple, celle de la simplicité et celle de l'absence de "valeur modales".




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Ensuite, il met en parallèle l'évolution du rapport passé simple / imparfait, ce qui lui permet de mettre en valeur la concurrence des deux formes verbales.

Enfin, il traite brièvement du présent qui, par opposition au passé simple, occupe la première chronothèse sur le seuil inversif entre l'axe d'actualisation et l'axe de désactualisation.

L'A. aboutit à la conclusion que le présent se distingue de l'imparfait par sa force actualisante et que c'est sa fonction de tiroir-vecteur qui conduit au passé simple.


28) Pierre Swiggers, "L'organisation des classes nominales en kiowa", 459–460.

PIERRE SWIGGERS s'intéresse au problème descriptif que pose le kiowa, langue amérindienne qui n'est parlée qu'un nombre très réduit de locuteurs dans la partie sud-ouest de l'état d'Oklahama. Précisement, il propose d'examiner les marquages permettant d'établir les quatre classes nominales qui sont les suivantes:

"i) Classe I: 'Nouns of class are in inherently singular/plural';
ii) Classe II: 'Nouns belonging to class II are inherently dual/plural';
iii) Classe III: 'Nouns in class III are inherently dual';
iv) Classe IV: 'Nouns un IV never occur with the inverse suffix'" (446).

Cet établissement, qui est emprunté à Watkins (L. J. Watkins, A Grammar of kiowa, Lincoln: University of Nebraska Press, 1984), permet à l'A. de constater que les quatre classes se distinguent par un "nombre basique" qui en classe I est singulier duel, en classe II est duel-pluriel, en classe III est duel et en classe IV est global.

Une fois cette constatation faite, l'A. procède à l'étude des critères permettant de différencier le singulier, le duel et le pluriel. La distinction se fait à l'appui du marquage in situ et du marquage ex situ, dont ils distingue trois types d'application: a) le type d'application de "la sous-différenciation/sous-classification à l'intérieur des classes nominales établies" (451); b) le type d'application de "la spécification discursive du nombre effectué d'un nom" (453); c) le type d'application qui réside en "l'attribution (ou assignation) correcte d'un nom à une classe" (454).

Cette approche l'amène à dégager la complexité de la notion de marque en kiowa et à démontrer que l'étude de l'établissement de classes relève de phénomènes de distribution.


Bref, il s'agit d'un ouvrage collectif réalisé par la contribution des linguistes éminents dont les études témoignent de l'extraordinaire renouvellement dans le domaine de la typologie linguistique et de la grammaire comparée.