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Vahram Atayan (Sarrebruck/Bonn)



Délimitation des énoncés, polyphonie et argumentation: quelques considérations sur un "affreux problème"


Delimitation of utterances, polyphony and argumentation: some considerations on an "awful problem"
The following article analyses interrelations between the phenomena of linguistic polyphony and argumentation. It discusses linguistic structures able to form utterances and argues in favour of limiting the domain of polyphony to the utterance level, excluding broader text-level structures. In the second part of the article, some pairs of argumentative functions – argument-conclusion, argument-reinforcement, argument-attenuation and argument-suggestion of indisputability – are analysed on the basis of authentic French examples, and the role of the polyphonic structure of such functional units is discussed in detail to provide evidence for a multifaceted relationship between argumentation, delimitation of utterances and polyphony. In particular, the co-oriented argumentative structures in the sense of Ducrot (argument-conclusion and argument-reinforcement) are generally realised by monophonic linguistic structures, while the effect of an attenuating element on the argument depends on the local utterance borders and the suggestion of indisputability often correlates with a specific type of polyphony associated with the presence in the argument of a point of view provided by a discourse entity different from the utterance locutor (locuteur en tant que tel).


1 Introduction

Depuis les années 80, la polyphonie linguistique est devenue un outil d'analyse théorique et empirique de première importance dans divers champs de recherche. En même temps, la notion elle-même s'est considérablement diversifiée, de façon qu'aujourd'hui il serait probablement plus correct de parler des théories et non pas de la théorie de la polyphonie linguistique. De plus, il est possible de constater des analogies considérables, quelquefois à des différences purement terminologiques près, entre ces théories et certaines études et modèles se réclamant de notions apparentées, notamment du dialogisme. Dans la présente contribution nous nous posons comme objectif de discuter, dans un premier temps, les définitions explicites ou implicites d'une des notions de base des théories de la polyphonie et du dialogisme, celle de l'énoncé, ensuite de présenter quelques propositions concernant la délimitation des énoncés dans des produits linguistiques authentiques, en particulier dans les textes écrits, et d'étudier enfin d'une façon plus détaillée le lien entre les phénomènes polyphoniques identifiés sur la base de nos propositions et les fonctions argumentatives réalisées au niveau du discours.1




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2 Polyphonie: options définitoires

Etant donnée la diversification des théories polyphoniques, il nous faut d'abord préciser l'usage que nous ferons ici du terme lui-même. Tandis que le trait de base de la polyphonie et/ou du dialogisme – l'hétérogénéité énonciative, la présence de plusieurs 'voix' dans une suite donnée de signes de la langue – semble être généralement accepté par les chercheurs de ce champ, le niveau d'identification de ce phénomène dépend des positions théoriques particulières. Perrin (2006: 6) constate en effet l'existence de deux dimensions dans cette discussion: "le mot, la phrase, l'énoncé, le texte ou, transversalement, la langue, le discours". Cette différence d'objet produit bien sûr aussi des différences terminologiques, ainsi, pour n'en donner qu'un seul exemple, les phénomènes traités comme polyphoniques par Ducrot (1984) sont considérés comme relevant du dialogisme dans la tradition praxématique (v. entre autres Nowakowska 2005, Bres 2005, Bres/Nowakowska 2006).2 D'une façon informelle, ce qui nous intéresse ici, c'est la polyphonie au niveau des unités discursives de base, qui correspondent dans la liste de Perrin à la phrase et/ou à l'énoncé (ce point sera précisé plus bas), étant donné que c'est également à peu près à ce niveau que se situent les phénomènes argumentatifs que nous allons analyser.



3 La notion d'énoncé: définitions et délimitation

3.1 Les options définitoires

La majeure partie des définitions et descriptions du phénomène de polyphonie se réfèrent explicitement ou implicitement à la notion d'énoncé. Pourtant, l'usage qu'on en fait dans les analyses polyphoniques et les critères définitoires que l'on utilise sont tout à fait hétérogènes. Dans le premier type de définition, un énoncé est considéré comme une structure d'ordre macroscopique, qui peut contenir toute une séquence d'actes langagiers. Ainsi, Bres (2005: 51ss.) constate que dans la tradition bakhtinienne, un énoncé correspond au tour de parole en tant qu'unité de base de l'étude linguistique, une opinion que partage Barbéris (2005: 159). Kuyumcuyan (2006: 149) parle, dans le contexte du discours rapporté, de l'attribution d'une fonction illocutoire à un "énoncé de rang intervention" d'un des participants au dialogue, tandis que Vincent (2006: 132) constate dans son corpus des discours rapportés que "24% des énoncés rapportés sont des échanges", donc des séquences d'au moins deux interventions. On trouve aussi de telles opinions dans les analyses linguistiques au sens strict, même s'il faut admettre qu'il s'agit plutôt de descriptions de cas marginaux. 3




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Ce type de définition, qui est sans aucun doute tout à fait légitime, ne nous semble pas applicable dans le cadre des objectifs que nous nous sommes posés ici, à savoir de discuter en détail les facteurs linguistiques de délimitation des énoncés et le lien entre la polyphonie et l'argumentation. D'une part, les unités d'ordre d'intervention ne sont pas, normalement, délimitables à partir de critères purement linguistiques, tandis que le critère pragmatique du changement du locuteur empirique n'est pas applicable aux séquences monologiques. De plus, les séquences argumentatives, qui sont au centre de notre intérêt ici, sont le plus souvent réalisées à un niveau beaucoup plus local qu'un tour de parole, voire un échange (ceci est également valable pour d'autres phénomènes considérés comme 'classiques' dans la théorie de la polyphonie linguistique, comme p.ex. la négation). La possibilité de considérer comme potentiellement susceptibles de constituer un énoncé à la fois les structures des rangs macroscopiques discutés supra et des structures de rangs inférieurs entraînerait en outre la nécessité d'accepter l'existence des structures d'énoncés récursives, sans pourtant résoudre le problème de délimitation pour les unités des rangs les plus inférieurs.

La seconde option définitoire est de situer l'énoncé au niveau plus local, qui correspond aux unités définissables à partir des traits purement linguistiques ou pragmatico-linguistiques. Dans ce cas, au moins deux possibilités sont à prendre en considération:

On peut partir des critères de type fonctionnel et/ou pragmatique et essayer de définir ou de décrire sur cette base l'ensemble des structures linguistiques qui constituent ou peuvent constituer un énoncé. Telle semble être l'idée initiale de Ducrot (1984: 174ss.), qui considère "l'autonomie relative" comme le trait définitoire d'un énoncé, qui, à son tour, est lié à deux conditions: la condition de cohésion et celle d'indépendance. En développant et formalisant cette vision, Nølke (1994: 33ss. et 221ss.) propose le double critère suivant pour qu'un segment textuel puisse être un "énoncé complet": il doit correspondre à un "énoncé phonétique", délimité par deux pauses (dans le cas de textes écrits il s'agirait de deux pauses ajoutées par le lecteur à partir de son interprétation), et il doit contenir une structure prédicationnelle. D'autres critères fonctionnels, en particulier de caractère argumentatif, où aussi des conditions liées aux notions pragmatiques comme p.ex. la force illocutoire, peuvent jouer un rôle dans la détermination des limites d'un énoncé (cf. Kronning 2005: 299 et 305).




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On peut partir, pour délimiter les énoncés, des structures définies linguistiquement, d'une façon plus ou moins abstraite. Ducrot (1984: 174) décrit l'énoncé en tant qu'observable comme une manifestation particulière de la phrase, unité abstraite et théorique appartenant à la grammaire. Evidemment, une description de ce type ne pourrait constituer une définition de l'énoncé qu'à condition d'avoir précisé la définition de la phrase. Haillet (2008: 50) fournit un exemple de concrétisation d'une démarche semblable, en définissant un énoncé comme un "segment du discours" qui comporte au moins un verbe conjugué; les segments elliptiques sans verbe conjugué ("Rien") étant en général paraphrasables comme des énoncés avec un verbe conjugué ("Je n'ai vu rien" – exemple de Haillet).



3.2 Le problème de délimitation

Bien que la délimitation intuitive de textes authentiques semble souvent ne pas poser de grands problèmes ("le coupage en énoncés d'un texte étudié [...] va normalement de soi", Nølke 1994: 33), les analyses proposées par des chercheurs du champ polyphonique donne une image plutôt hétérogène en ce qui concerne les structures linguistiques susceptibles de réaliser un énoncé. Tandis que Ducrot (1984: 229s.) et Nølke (1994: 38) considèrent généralement les structures de type "Certes ... mais ..." comme un seul énoncé, vu l'attente d'une continuation produite par certes, Nowakowska (2005: 30) parle, dans la discussion de l'exemple suivant

(1) "Le ministre a parcouru le pays tout entier pour écouter des agents de police ordinaires. Certes, cela n'a pas réglé le problème de la violence urbaine, mais les Français ont eu le sentiment que l'on se préoccupait de leur sécurité" (souligné par Nowakowska),

de "l'énoncé enchâssé 'cela n'a pas réglé le problème de la violence urbaine'". Mellet/Monte (2005: 251, note 7) semblent prévoir deux énoncés dans des structures concessives "p néanmoins/toutefois q", qui peuvent être réalisés aussi par des segments textuels sans verbe conjugué, comme la séquence "Diaphane, fragile à se briser dans sa robe blanche à bretelles" dans l'exemple suivant:

(2) "Diaphane, fragile à se briser dans sa robe blanche à bretelles, elle était néanmoins souveraine" (souligné par Mellet/Monte)




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Une telle solution serait évidemment incompatible avec la position de Haillet (v. supra). Ducrot (1984: 175), par contre, semble accepter en tant qu'énoncés des séquences de rangs structurellement inférieurs à la phrase avec un verbe conjugué, lorsqu'il analyse le conseil imaginé à un malade sans appétit "Mange pour vivre!" comme une suite de deux énoncés dont le second ("pour vivre") renforce le premier. D'autre part, Ducrot/Carel (2006: 230, note 8) parlent de "l'énoncé abductif" pour désigner une séquence de deux phrases principales: "le trottoir est mouillé donc il a plu".

On pourrait multiplier les exemples de décisions incompatibles regardant la délimitation des énoncés. Mais les cas cités suffisent pour identifier le problème: dans le cas de la définition d'énoncé au niveau microscopique, les séquences linguistiques susceptibles de le réaliser peuvent manifester des dimensions assez différentes, allant d'un syntagme – p.ex. prépositionnel – à des suites de phrases coordonnées avec un verbe conjugué, au moins dans certaines interprétations. C'est sans doute pour cela qu'Anscombre (2006: 351) considère la délimitation des énoncés comme une question ouverte et que Nølke (1993: 55) parle même de "l'affreux problème de la délimitation empirique d'un énoncé", tandis que Rossari (1996: 157) constate, sur la base des analyses de plusieurs chercheurs, que les unités "atomiques" du discours ne peuvent être simplement réduites à des unités syntaxiques ou sémantiques.



3.3 Quelle solution pour "l'affreux problème"? Quelques propositions
3.3.1 Considérations préalables

Vu les difficultés que l'on a à trouver un consensus théorique autour de ce qu'est un énoncé – c'est-à-dire à identifier un nombre fini de conditions nécessaires et suffisantes que devrait remplir un segment textuel pour pouvoir (voire devoir nécessairement) réaliser un énoncé dans le texte – nous proposons ici une démarche tentative et approximative, dont l'objectif serait de formuler quelques conditions nécessaires ou suffisantes ou au moins quelques heuristiques de l'identification des structures linguistiques susceptibles de constituer, lors de leur manifestation concrète, un énoncé, et de donner une description partielle de l'extension de cette catégorie. Evidemment, cette démarche ne sera justifiable que dans le cadre des objectifs de ce travail: définition des unités textuelles de base et description du lien entre la polyphonie et l'argumentation.




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En regardant de près les exemples cités supra nous voyons facilement que l'hétérogénéité des structures linguistiques considérées comme des réalisations d'un énoncé nous impose deux questions: quand est-ce qu'un segment textuel n'est pas (encore) un énoncé? Et quand est-ce qu'un segment textuel n'est plus un énoncé, mais deux, trois etc.? Est-ce que "pour vivre" dans "Mange pour vivre!" ou "Diaphane, fragile à se briser dans sa robe blanche à bretelles" dans l'exemple (2) sont des énoncés? Est-ce que les séquences en "Certes ... mais ..." contiennent un seul énoncé ou deux? Quelles sont donc les limites de la catégorie énoncé vers le haut et vers le bas?

Pour voir l'importance de ces questions, il suffit de reprendre la proposition de Haillet (2008: 50). Cette définition, qui a l'avantage considérable d'être une des rares tentatives de spécifier explicitement la notion d'énoncé, se base sur l'idée générale de segmentabilité du discours en "unités plus ou moins complexes" dont un sous-ensemble, celles contenant au moins un verbe conjugué, seraient les énoncés. Or, nous nous trouvons ici devant un double problème: d'abord, quel est le critère de la segmentation du discours en général, de la définition d'un "segment"? Est-ce que p.ex. "Paul" dans "Paul est arrivé" serait un segment (cette question est, bien sûr, à la limite de la bonne foi, et la réponse négative semble évidente, mais est-ce que cela vaut aussi pour les séquences en italique dans "Hier, Paul n'est rentré qu'à 20 heures, à cause des embouteillages"?). Le second problème est posé par "au moins un verbe conjugué" dans la définition, car cette formulation semble permettre l'existence d'énoncés avec plus d'un verbe conjugué, de façon qu'on pourrait se demander si p.ex. les séquences de type cité en (1) et les structures concessives en générales constitueraient un ou deux énoncés. 4

Cette discussion n'a pas pour but de critiquer la proposition de Haillet, mais d'illustrer la pertinence générale des deux questions posées. D'autant plus qu'elles semblent correspondre directement aux critères proposés par Ducrot (1984: 174ss.), la cohésion et l'indépendance. Un segment textuel n'est pas (encore) un énoncé s'il n'est pas indépendant, il n'est plus un énoncé (mais deux, trois etc.) s'il n'est plus cohésif au sens fort, s'il contient des éléments cohésifs dont l'apparition ne dépend pas directement du reste du segment (et qui seraient donc eux-mêmes des énoncés). 5

3.3.2 Délimitation vers le haut

Dans le cadre d'une sémantique énonciative, dans laquelle l'attribution même du sens à un énoncé est liée à l'identification des intentions du locuteur ("Attribuer un sens à un énoncé c'est donc entreprendre une démarche explicative, c'est chercher pourquoi l'énoncé a été produit", Ducrot et al. 1980: 22), il nous semble que les critères de la cohésion et de l'indépendance comme traits constitutifs de l'énoncé ne peuvent être définis qu'à partir de considérations d'ordre pragmatique. Dans cette optique, ne seraient indépendantes que les séquences linguistiques dérivables d'une intention séparable et autonome par rapport aux autres intentions communicatives du locuteur réalisées dans le contexte. Il semble qu'on devrait prendre en considération au moins trois types d'action langagière potentiellement indépendante:




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Il s'agit d'abord des actes illocutoires au sens classique, qui créent une certaine constellation des droits et des devoirs entre les interlocuteurs (cf. Ducrot 1972: 78ss., Roulet et al. 2001: 169ss.).

Les actes du deuxième type, réalisés souvent par des structures dépendantes plus ou moins intégrées syntaxiquement dans une phrase principale, peuvent entrer avec d'autres actes langagiers dans des relations interactives (Roulet et al. 2001: 171ss. considèrent comme telles les fonctions d'argument, contre-argument, reformulation, topicalisation, succession, préalable, commentaire et clarification). Le troisième type d'action langagière relativement indépendante serait l'action de fournir des informations modales, concernant l'attitude du parlant par rapport à ce qu'exprime le reste d'un segment (en fonction illocutoire ou interactive). 6 Informellement, l'intention du locuteur peut donc être celle de dire, ordonner, demander etc., ou d'argumenter, commenter, reformuler, ou enfin d'exprimer une attitude épistémique, évaluative etc. Il ne semble pas y avoir de contraintes linguistiques qui conditionnent l'apparition des fonctions de ces types dans un discours, les séquences qui les réalisent sont même souvent éliminables sans que le reste du discours devienne inacceptable ou ininterprétable (cela s'applique surtout aux fonctions interactives et modales). Rubattel (1985: 87, 1986a: 136, 1986b: 86ss., 1987: 382s., 1989: 88ss.) propose comme outil heuristique d'identification de séquences susceptibles de pouvoir verbaliser un énoncé l'idée d'une "unité monophonique minimale": dans le cas d'une séquence dérivable de l'intention séparable par rapport à son contexte, on pourrait s'imaginer, au moins en principe, un deuxième locuteur empirique qui la produit dans le contexte en question. L'exemple de Ducrot "Mange pour vivre!" dans son interprétation "conseil + justification" serait en effet imaginable aussi comme un produit de deux personnes, dont la première dit "Mange!" et la deuxième ajoute, pour convaincre l'interlocuteur commun, "Pour vivre".

Les commentaires modaux comme dans "Probablement, Paul va partir demain" ne peuvent, par contre, être attribués à un deuxième locuteur empirique que dans la situation particulière d'un commentaire ajouté a posteriori avec une intonation parenthétique – "Paul va partir demain, probablement". Cette vision correspond à l'idée de la restructuration dynamique de l'énoncé proposée par Nølke (1994: 36ss.) 7 et à l'analyse de Rossari (1996: 167), qui considère les marqueurs modaux – en l'occurrence incontestablement – comme la réalisation d'un acte discursif seulement dans le cas d'une forte séparation prosodique ou par ponctuation: "Jean viendra. Incontestablement"8. Dans ce cas, le critère de la possibilité de production virtuelle d'incontestablement par un deuxième locuteur semble également être applicable.




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En résumant, seraient suffisamment indépendantes pour pouvoir produire un énoncé les séquences linguistiques réalisant des actes illocutoires ou des constituants des relations textuelles ("semi-actes" dans la terminologie de Rubattel9) ne portant pas nécessairement de marqueurs de la force illocutoire. 10 Quels sont les avantages d'une telle définition? Elle permet une analyse homogène des structures d'un degré de complexité syntaxique différent qui, au niveau de l'interprétation, semblent être liées par une relation de paraphrase approximative. Les attributs adjectivaux "très gentil" dans (3a) et "très gentil et très doux" dans (4a) semblent réaliser à peu près la même fonction communicative que les phrases relatives explicatives ((3b), (4b)), les subordonnées avec puisque ((3c), (4c)) ou les phrases indépendantes ((3d), (4d)). Dans tous ces cas, une analyse en deux énoncés liés par une relation argumentative ou explicative semble plausible. 11

(3a) Comme personne ne sait où il a bien pu passer, elle décide d'aller voir St-Pierre, histoire de s'informer. St-Pierre très gentil lui demande comment se passe son intégration au paradis. (www.cote.azur.fr/blague_religieuses_15.htm?tr=4, consulté le 04.01.2009)

(3b) St-Pierre, qui est très gentil, lui demande comment se passe son intégration au paradis.

(3c) St-Pierre, puisqu'il est très gentil, lui demande comment se passe son intégration au paradis.

(3d) St-Pierre est très gentil. Il lui demande comment se passe son intégration au paradis.


(4a) Moi je vais chez le dr Liss Pierre, très gentil et très doux, moi j'avais la frousse des piqures, bah chose etrange il n'en fait pas, il anesthesie avec un coton d'alcool de menthe et c'est efficace
(forum.aufeminin.com/forum/preschezvous12/__f150_preschezvous12-Je-recherche-un-bon-dentiste-pour-mon-fils-de-5-ans.html, consulté le 04.01.2009)

(4b) Moi je vais chez le dr Liss Pierre, qui est très gentil et très doux...

(4c) Moi je vais chez le dr Liss Pierre, puisqu'il est très gentil et très doux...

(4d) Moi je vais chez le dr Liss Pierre, il est très gentil et très doux...




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Le deuxième argument en faveur de cette approche est lié à la compatibilité des deux types de séquences linguistiques en question (réalisant des illocutions et des semi-actes) avec certains marqueurs linguistiques, comme p.ex. les modaux12. L'exemple (5) illustre la modalisation des semi-actes (argumentatif ou explicatif dans (5a) et concessif dans (5b)) réalisés par une apposition adjectivale:

(5a) Excellent article, neutre, fiable, bien illustré. Quelques critiques mineures: 1) [...] 2) certaines analyses, peut-être un peu rapides, ne sont pas sourcées (ex: Le Botswana semble pourtant avoir échappé à cette "malédiction des ressources")
(fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Proposition_articles_de_qualit%C3%A9/%C3%89conomie_du_Botswana, consulté le 04.01.2009)

(5b) Je comprend un peu ta réaction, mais ce texte peut-être un peu maladroit, ne mérite quand même pas la volée de bois vert que tu envoies à son auteur(e)! (laviedici.midiblogs.com/archive/2008/11/29/uzetien-mon-ami.html, consulté le 04.01.2009)

Le troisième argument est enfin d'ordre théorico-méthodologique. Quelle est la nécessité d'introduire la notion de polyphonie, surtout dans le cadre de la linguistique ducrotienne? Il y a deux réponses possibles à cette question, liées à deux types de phénomènes dont la description profite de la notion de polyphonie:

Il s'agit, d'une part, de l'usage particulier de certains éléments linguistiques dont l'interprétation dans un contexte donné semble exiger la présence d'un deuxième centre déictique/d'une deuxième source énonciative (ce sont les cas des marqueurs du discours indirect libre, de l'ironie etc.). La polyphonie est dans ce cas d'une certaine façon le résultat de l'interprétation et n'impose pas en soi de contraintes concernant la définition de son cadre, l'énoncé. Il s'agit ici probablement des cas où une description polyphonique du sens d'une séquence linguistique (au sens plus ou moins littérale et non métaphorique) pourrait apparaître plausible à un parlant natif sans connaissances en sciences de la langue, qui pourrait croire reconnaître les 'voix' de plusieurs personnes qui parlent en même temps.




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D'autre part, la polyphonie est utilisée en tant que mécanisme systématique de description sémantique de certains moyens linguistiques, dont les adverbiaux de la phrase et surtout les exemples les plus classiques de Ducrot, la négation et la présupposition. Dans le cadre d'une sémantique argumentative, dans laquelle la valeur sémantique des séquences linguistiques est définie par les enchaînements possibles et/ou interdits, la polyphonie pourrait à notre avis jouer un rôle complémentaire aux propriétés d'enchaînement au sens de l'Argumentation dans la langue, car elle permet d'identifier des sous-segments avec leurs propres contraintes sur l'enchaînement – ce que l'Argumentation dans la langue ne saurait faire.

Ainsi, ce qui est imposé par le présupposé "Pierre fumait auparavant" de "Pierre a cessé de fumer" – l'interdiction de produire dans la suite du discours des séquences argumentativement anti-orientées par rapport au présupposé ainsi que l'impossibilité de conclure à partir du présupposé – est parfaitement représentable dans une sémantique argumentative, p.ex. en termes d'orientation argumentative; ce que, par contre, elle ne peut pas faire, c'est d'identifier les sous-segments à prendre en considération. Et c'est justement là que la polyphonie joue son rôle. Informellement parlant, elle 'dit' à l'Argumentation dans la langue quels segments doivent être décrits par leurs enchaînements. Il semble donc logique de définir le cadre d'application de la polyphonie (ce qui équivaut à délimiter le discours en énoncés distincts) au niveau inférieur ou égal à celui des séquences pourvues typiquement d'une orientation argumentative. Et puisque les illocutions et les semi-actes au sens de Rubattel peuvent être utilisés dans des argumentations, contre-argumentations etc., il nous paraît conséquent de les considérer comme des énoncés, tandis que les séquences supérieures à ce niveau seraient donc plutôt des suites de plusieurs énoncés.

3.3.3 Délimitation vers le bas

Les critères empiriques de la délimitation de l'énoncé vers le bas, donc l'identification dans un texte donné des segments qui 'ne sont pas encore' des énoncés, ou plutôt ne peuvent pas être un énoncé, vu le manque d'indépendance, sont liés, dans notre optique, aux considérations d'ordre pragmatique de même ordre que celles appliquées dans le cas de la délimitation vers le haut. Pour délimiter les énoncés vers le haut, il nous fallait déterminer les types de structure linguistique qui sont plus ou moins systématiquement produits sur la base d'une intention spécifique du locuteur. Pour délimiter les énoncés vers le bas, il nous faut, évidemment, identifier les structures linguistiques qui ne peuvent être l'expression d'une intention particulière séparable de celle qui a conduit à l'apparition des signes linguistiques constituant leur contexte.




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Rubattel (1986b: 95, 1990: 303) constate que la possibilité, pour une séquence linguistique, d'exprimer une intention séparable et indépendante du locuteur dépend directement du caractère facultatif de son apparition dans le contexte donné. Si, par contre, cette apparition est obligatoire, la séquence en question ne saurait être un énoncé. C'est pour cela que les valences obligatoires du verbe dans une phrase (nominales, comme "Paul" dans "Paul est arrivé", cf. Ducrot 1984: 175, ou aussi réalisées par une phrase complétive) ne pourraient être considérées comme des énoncés. Elles ne sont pas là parce que le locuteur a nécessairement voulu les produire, mais parce qu'il n'est pas, normalement, possible d'utiliser le verbe (p.ex. pour produire une illocution) sans verbaliser ses valences.

A côté des contraintes purement structurelles de ce type, une séquence peut être rendue indispensable par des nécessités sémantiques, notamment liées à l'identification des objets du discours dans un contexte donné (cf. les séquences en italique dans les phrases suivantes "Le livre de Pierre est intéressant", "Ceux de mes amis qui ont fini leurs études ont trouvé déjà un travail" ou "L'idée que je pourrais participer à cette manifestation me semble absurde").13

Enfin, les compléments de circonstance structurellement et sémantiquement non-obligatoires ne peuvent pas réaliser, à eux seuls, des énoncés s'ils constituent le foyer de la proposition. Il s'agit ici d'une contrainte pragmatique: si, p.ex., dans l'échange "Quand est-ce que Paul est arrivé? Paul est arrivé hier" l'adverbial temporel était un énoncé, le reste de la séquence devrait également être considéré comme une action langagière séparée, ce qui ne semble pas possible, vu qu'elle serait dans ce cas-là constituée seulement d'informations déjà intégrées dans la mémoire discursive, ce qui est fort improbable pragmatiquement14 (étant donné que dans la conception de foyer de Kronning 1996, reprise par Nølke 1994:132ss., le foyer est interprétable comme l'élément nouveau de la réponse donné à une question virtuelle, l'inséparabilité d'un foyer réalisé par un élément structurellement et sémantiquement non-obligatoire du reste de la séquence en question semble être une propriété généralisable).

3.3.4 Formes syntaxiques de réalisation d'un énoncé: essai de systématisation

Les critères de délimitation proposés nous permettent de dresser une liste des structures syntaxiques classifiées selon leur (in)capacité à réaliser des énoncés. Trois cas de figure semblent possibles ici (pour la discussion détaillée cf. Brandt 1990: 81, Atayan 2006: 152ss.):




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  • Certaines structures syntaxiques réalisent généralement (au moins) un énoncé. Tel est le cas p.ex. pour les phrases principales, qui ont normalement une force illocutoire et sont par là l'expression d'une intention séparable du locuteur – abstraction faite des cas d'usage citatif comme "Pierre a dit 'Je viens'", où "Je viens" n'est qu'une forme particulière de réalisation de la valence obligatoire de "dire". Les subordonnées circonstancielles dont l'usage ne prévoit pas la possibilité de présupposer le contenu entier de la phrase principale semblent, elles aussi, réaliser normalement un énoncé. En effet, une structure de type "Puisque X, Y" ou "Y, puisque X" permet la modalisation et la négation séparée de chaque constituante, tandis que "puisque X" ne peut pas être mis en relief et servir de foyer à la totalité de la séquence en question, ce qui entraînerait le statut présupposé de Y ("Puisque probablement X, Y" vs. "Puisque X, probablement Y", "*C'est puisque X que Y", cf. Rubattel 1986b: 92).
  • Certaines structures linguistiques, comme p.ex. une phrase complétive, ne peuvent normalement constituer un énoncé (sauf les interprétations elliptiques et certains usages particuliers, p.ex. exclamatifs). En général, les éléments qui sont typiquement dominés par des projections syntaxiques non-maximales ne peuvent réaliser une fonction discursive que si 1. ils ne sont pas structurellement nécessaires pour la projection dominante, 2. ils sont séparés du contexte par une intonation paraphrastique, dans le cas de "Ce livre de Jacques Monod doit être très intéressant", il s'agit d'un seul énoncé, tandis que dans "Ce livre – de Jacques Monod – doit être très intéressant" l'interprétation avec deux énoncés est envisageable, elle correspondrait à peu près à "Ce livre est très intéressant, car il est de Jacques Monod". Dans de tels cas, les séquences en question seraient dominées par une projection maximale, ainsi de Jacques Monod modifie dans la version avec l'intonation parenthétique le syntagme complet ce livre.
  • Un grand nombre de structures syntaxiques, dont les attributs des types les plus différents (adjectival, participial, appositif, phrase relative etc.), les subordonnées causales, temporales, locales, modales etc. peuvent, en fonction du contexte et de l'intonation, soit réaliser un énoncé séparable, soit participer à la réalisation de l'énoncé dans lequel est intégré l'élément qu'elles modifient. C'est justement cette ambiguïté-là qu'ont constatée Rutherford (1970: 97ss.) et Ducrot (1972: 117s.) dans le cas de la subordonnée causale introduite par parce que ou because: "Il ne viendra pas parce qu'il est malade" permet les deux interprétations suivantes: 1. Le locuteur veut informer sur la cause d'un état de choses connu (dans ce cas-là le contenu de la principale est présupposé), 2. Le locuteur informe de cet état de choses et, après, de la cause qui l'a produit (ici le contenu des deux phrases n'est pas présupposé). Evidemment, l'intonation, la pause après "pas" ou une virgule dans le texte écrit peuvent résoudre l'ambiguïté. 15




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L'effet de désambiguïsation par l'intonation confirme l'importance des critères prosodiques proposés par Nølke (1994: 32ss.) et Rossari (1996). 16 Il faut pourtant constater que selon Rossari (1996: 162) la segmentation prosodique n'est pas un critère nécessaire pour qu'une séquence soit analysable en deux unités. Elle le montre à partir de l'exemple: "Marie a mangé les gâteaux et elle a en plus fini les chocolats": ici la possibilité de la reprise anaphorique lexicale, proposée par Berrendonner (1990) en tant qu'argument fort en faveur de l'autonomie d'un segment, serait applicable: "Marie a mangé les gâteaux et la coquine a en plus fini les chocolats".17 Une autre conséquence de cette analyse serait la nécessité de constater que les structures corrélatives de type "Certes ... mais ..." pourraient, même dans l'absence d'une segmentation prosodique ou graphique, être analysées plutôt comme deux énoncés, vu que la reprise anaphorique lexicale ne semble pas poser ici de problèmes généraux d'acceptabilité:

(6a) Le poker en ligne est certes toléré mais il est illégal.
(news.idealo.fr/news/2200/poker-fermetures-de-cercles-mais-legalisation-du-jeu-en-ligne.html, consulté le 07.01.2009)

(6b) Le poker en ligne est certes toléré mais ce jeu est/reste illégal

Dans cette optique. "Certes ... mais ..." ne serait pas une structure potentiellement ambiguë mais appartiendrait plutôt à la catégorie 1.

Pour résumer, nous pouvons donc proposer les heuristiques suivantes pour la délimitation:

  1. Critère suffisant de non-séparation en deux énoncés: Si dans une séquence A-B (ou A1-B-A2, si nous avons des raisons de considérer B comme inséré dans une séquence A) B est nécessaire structurellement (p.ex. en tant que valence d'un verbe utilisé dans A), sémantiquement (p.ex. en tant qu'élément permettant l'identification contextuelle d'un référent) ou pragmatiquement (p.ex. en tant que foyer de la proposition), alors B ne constitue pas un énoncé séparé.
  2. Critère suffisant de séparation en deux énoncés: S'il est imaginable que deux locuteurs empiriques produisent chacun une des constituantes (L1: A – L2: B), alors A-B ou A1-B-A2 est analysable en deux énoncés. C'est normalement le cas pour deux phrases principales A et B, mais aussi des ajouts de caractère explicatif, argumentatif etc., surtout s'il s'agit d'une intonation parenthétique (L1: Pierre – L2: le frère de Marie – L1: va nous aider, L1: Mange! L2: Pour vivre, etc.).
  3. Critère suffisant de séparation en deux énoncés: Si la modalisation séparée de deux segments est possible, il s'agit de deux énoncés.
  4. Critère suffisant de séparation en deux énoncés: Si dans B une reprise anaphorique lexicale d'un élément de A est possible, il s'agit de deux énoncés.
  5. Critère fort, mais ni nécessaire, ni suffisant de séparation en deux énoncés (cf. Rossari 1996: 162): S'il y a une séparation prosodique entre A et B, il s'agit de deux énoncés.
  6. Critère suffisant de séparation en deux énoncés: S'il y a une séparation prosodique entre A et B dans une structure monoprédicative et s'il est possible de transformer la séquence en "A. Et ce B", il s'agit de deux énoncés. Ce critère de Rossari (1996: 165s.) est de grande utilité pour distinguer les cas de deux actes comme "Je le ferai. Demain" des séquences constituant un seul acte comme "Il est venu. Donc" (exemples de Rossari 1996: 163).




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3.4 Délimitation des énoncés et phénomènes polyphoniques: quelques conséquences

La polyphonie étant définie comme la présence simultanée de plusieurs voix/points de vue dans le même énoncé, la solution à "l'affreux problème", que nous venons de proposer (et qui reste, bien sûr, très approximative), ne sera pas sans conséquence pour l'inventaire des phénomènes appartenant au champ de la polyphonie. En particulier, il nous semble pertinent, au moins en ce qui concerne le noyau central du domaine, d'exclure tous les cas dans lesquels les deux voix ou points de vue apparaissent dans deux illocutions ou semi-actes différents. Ici, nous rejoignons la position de Constantin de Chanay (2006: 65), qui, en partant d'une structure discursive temporelle discrète, où les moments T1, T2 ... coïncident avec les énoncés, considère que

[l]a polyphonie, elle, est hostile à la succession – à moins que l'on ne l'applique à tout (mais le concept y perd son utilité). Chaque énoncé apporte son lot d'informations nouvelles, et partant, de nouveaux pdv [point de vue, V.A.]: il n'y a pas pour autant polyphonie. La polyphonie, ce ne serait pas pdv1 en T1, pdv2 en T2 etc., mais au moins pdv1 + pdv2 en T.

Nous maintiendrons ici aussi la distinction, introduite dans la section 3.3.2, entre les usages polyphoniques et les mécanismes polyphoniques d'interprétation. Les usages polyphoniques des expressions linguistiques pour lesquelles la théorie ne prévoit pas de mécanisme général d'interprétation polyphonique sont déclenchés par des facteurs contextuels et sont susceptibles de produire entre autres certains effets du discours indirect libre (dont un grand nombre a été analysé dans le cadre de la ScaPoLine). Nous trouvons parmi ces expressions les adverbiaux déictiques de l'espace et du temps, certains pronoms personnels et démonstratifs (cf. Jonasson 2005), certaines occurrences de l'imparfait et du conditionnel, l'ironie etc. Dans ce dernier cas, il faudra évidemment limiter l'analyse polyphonique à l'illocution ou au semi-acte qui contient l'élément ironique, ainsi dans l'exemple de Racine

(7) Et ce même Néron, que la vertu conduit,
Fait enlever Junie au milieu de la nuit.

cité par Ducrot (1984: 203f.), notre analyse devra partir non pas d'un seul énoncé, mais de deux: "Et ce même Néron ... fait enlever Junie au milieu de la nuit" et la relative appositive "que la vertu conduit", qui seule serait polyphonique, tandis que le reste de la séquence constitue le contexte déclencheur de l'interprétation ironique, contexte qui ici, par hasard est en même temps syntaxiquement dominant par rapport à l'énoncé polyphonique ironique.




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En prenant maintenant en considération les cas dans lesquels la polyphonie constitue un mécanisme théorique descriptif et/ou explicatif qui permet de représenter certaines propriétés d'enchaînement ou plus généralement certaines propriétés sémantico-pragmatiques de l'énoncé, nous retrouvons les exemples 'classiques' de négation, présupposition, adverbiaux et particules modaux et évidentiels, le subjonctif, mais aussi certaines catégories lexicales, comme les verbes d'intention et de désir. C'est le cas pour le fameux: "Œdipe voulait épouser sa mère" (cf. Achard-Bayle 2001: 37, Fuchs 1994: 78): ici, l'opacité de la référence est liée à la tendance à interpréter polyphoniquement les verbes de désir, car vouloir semble normalement prévoir l'utilisation de la désignation de l'objet voulu par une expression utilisée ou au moins utilisable par le sujet désirant.

Certains marqueurs argumentatifs seraient également candidats à être polyphoniques dans le sens que nous avons défini, pourtant, cette polyphonie n'est pas liée à la présence de deux points de vue attribuables à des énonciateurs différents dans les deux unités articulées par le connecteur, mais reste limitée à une seule de ces deux unités. C'est le cas de la description polyphonique de puisque proposée par Ducrot (1984: 160ss.) et reprise par plusieurs auteurs (cf. pourtant aussi la critique de Detges 2008). Enfin, certains cas polyphoniques semblent être réalisés par des formes qui montrent une affinité particulière à la polyphonie en tant que phénomène d'usage (dont l'imparfait) en cooccurrence avec certaines classes lexicales potentiellement polyphoniques, comme les verbes de perception (cf. Sørensen Ravn Jørgensen 2002).

Quant aux connecteurs, souvent cités dans les études polyphoniques, on reconnaîtra facilement qu'ils sont le grand absent de notre classification. En effet, les connecteurs, en tant qu'unités articulant justement deux énoncés, ne sauraient être déclencheurs de polyphonie au sens relativement restreint que nous avons choisi. Cette vision reste probablement compatible avec la proposition de considérer certains cas – surtout mais et certes ... mais – comme des phénomènes polyphoniques au sens étendu, en particulier en partant d'une structure récursive des énoncés, de façon que les points de vue différents existeraient dans deux énoncés intégrés dans un énoncé complexe (c'est la solution de Nølke/Fløttum/Norén 2004: 97).

Dans le cadre de l'objectif que nous nous sommes posé – d'analyser plus précisément le lien entre polyphonie et argumentation dans le cadre général de la sémantique argumentative – une telle solution ne sera nécessaire que s'il est prouvé d'abord que les mécanismes standards de l'Argumentation dans la langue et de la Théorie des blocs sémantiques (orientation argumentative, argumentation externes et internes etc.) ne sont pas suffisants pour décrire les relations marquées par des connecteurs, donc qu'il y a des phénomènes linguistiques (comme les reprises par au contraire dans le cas de la négation) qui ne seraient explicables ou représentables sans l'introduction d'une description polyphonique.




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Cela ne semble pas être nécessairement le cas pour les instructions des connecteurs. Ainsi, une possibilité intuitivement plausible de la représentation des instruction de, p.ex., "certes e1 mais e2" dans le cadre de la TBS serait de dire que dans l'argumentation externe d'un élément lexical A contenu dans e1 (normalement appartenant au foyer d'e1) on doit pouvoir trouver un aspect A DC C,18 tandis que pour un élément B d'e2 on trouverait un aspect B DC NEG C. Evidemment, la structure polyphonique de chaque énoncé d'un couple "e1 mais e2" ou "certes e1 mais e2" serait à prendre en considération. Si donc le deuxième énoncé est p.ex. modalisé par un "peut-être", alors on appliquera cette relation au point de vue non modalisé sous-jacent, en maintenant ainsi la relation d'anti-orientation et ne prenant en compte la polyphonie qu'au niveau des énoncés singuliers.



4 Délimitation des énoncés, polyphonie et fonctions argumentatives discursives

4.1 Fonctions argumentatives

Dans la présentation des effets de la délimitation des énoncés et de la description des phénomènes polyphoniques proposés sur l'analyse de l'argumentation discursive nous partirons de certaines catégories fonctionnelles de ce champ qui ont été étudiées en détail dans Atayan 2006 (cf. aussi Atayan sous presse a et b). Notre hypothèse de départ prévoit une structure binaire de base pour l'argumentation, constituée d'un élément étayé (thèse/conclusion) et d'un élément étayant (argument). Evidemment, nous ne voulons pas par là contredire la tradition rhétorique, reprise souvent dans les travaux modernes dans la suite de Toulmin (1958), qui considère comme structure de base de l'argumentation au niveau logique une structure de trois éléments: donnée/prémisse mineure, loi/règle de passage/prémisse majeure et conclusion. Pourtant, dans la réalité communicative ne sont verbalisés normalement que deux éléments, la thèse/conclusion et un élément étayant qui peut correspondre à la mineure ou (plus rarement) à la majeure au sens de la rhétorique classique.

En ce qui concerne les formes linguistiques de la réalisation de ces deux éléments, nous pouvons constater qu'elles coïncident largement avec les classes que nous avons utilisées pour délimiter les énoncés, les illocutions et les semi-actes pouvant réaliser arguments ou conclusion dans une argumentation discursive. Mais, au-delà de cette forme de réalisation typique avec deux énoncés séparés dans la chaîne syntagmatique ((8a)–(8d), (9a)–(9d)), nous trouvons la possibilité de réaliser l'argument et la conclusion en utilisant partiellement le même matériel linguistique ((8e), (9e)):




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(8a) Pierre t'aidera. (Car) Il est ton meilleur ami.

(8b) Pierre t'aidera, puisque/étant donné que/vu que/parce qu'il est ton meilleur ami.

(8c) Pierre, qui est ton meilleur ami, t'aidera.

(8d) Pierre, ton meilleur ami, t'aidera.

(8e) Ton meilleur ami t'aidera.


(9a) La France est le plus ancien allié des Etats-Unis. Donc elle va les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme international.

(9b) La France va soutenir les Etats-Unis dans leur lutte contre le terrorisme international, puisqu'elle est leur plus ancien allié.

(9c) La France, qui est le plus ancien allié des Etats-Unis, va les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme international.

(9d) La France, le plus ancien allié des Etats-Unis, va les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme international.

(9e) Le plus ancien allié des Etats-Unis va les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme international.

Dans un contexte où il est clair que Pierre est le meilleur ami de l'allocutaire et que la France est considérée comme le plus ancien allié des Etats-Unis, les ex. (8e) et (9e) produisent le même effet argumentatif que (8a)–(8d) et (9a)–(9d) respectivement grâce à la dimension paradigmatique, c'est-à-dire à la relation entre les différentes possibilités de désigner un objet discursif. Ton meilleur ami fait partie de l'argument, partiellement elliptique "Pierre est ton meilleur ami" et de la conclusion, qui correspond au contenu de la phrase complète. A cause de ce jeu avec les désignations différentes, nous avons appelé ce type de réalisation argumentation paradigmatique pour la distinguer de l'argumentation syntagmatique constituée par deux syntagmes séparables assumant la fonction d'argument et celle de conclusion (Atayan 2006: 36ss.).

Au-delà des fonctions d'argument dans une argumentation syntagmatique ou paradigmatique et de conclusion nous pouvons prendre en considération:

  1. les possibilités de renforcer un argument,
  2. les possibilités d'atténuer un argument,
  3. les possibilités de suggérer le caractère incontestable du contenu d'un argument,
  4. la contre-argumentation et la concession,
  5. les argumentations subordonnées et coordonnées (ou multiples dans la terminologie de van Eemeren/Grootendorst). 19




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Nous nous limiterons ici aux trois premières catégories, puisque les contre-argumentations, les argumentations subordonnées et les argumentations coordonnées (cas (4) et (5)), réalisées le plus souvent dans des structures complexes de plusieurs énoncés, seraient à situer, dans notre optique, en dehors du domaine de la polyphonie.



4.2 Argumentation syntagmatique et paradigmatique

Pour une argumentation syntagmatique, donc réalisée par deux énoncés séparés (intégrés ou non au niveau syntaxique, ex. (8a) vs. (8b)-(8d)), l'analyse polyphonique au sens strict pour lequel nous avons opté ici ne semble pas applicable, puisqu'une telle argumentation constitue déjà une séquence contenant au moins deux énoncés. Au sens étendu, qui prévoit l'application de l'analyse polyphonique au niveau textuel (cf. Nølke/Fløttum/Norén 2004: 99ss.) on pourrait constater que la séquence "argument – conclusion" doit normalement être plutôt 'monophonique', donc que l'argument devrait être pris en charge par le même être discursif, normalement par la même image du locuteur que la conclusion. En est un indice en outre la constatation, déjà faite par Ducrot (1972: 81), que le présupposé d'un énoncé ne peut normalement être le point de départ de l'argumentation. On pourrait dire que "l'ON-locuteur" n'argumente pas (sauf certaines exceptions dont nous allons parler par la suite).

L'analyse des réalisations paradigmatiques d'un argument semble confirmer ces considérations. En effet, quelle est la particularité de la séquence "Ton meilleur ami t'aidera" dans un contexte où l'on assume l'identité entre Pierre et ton meilleur ami? C'est évidemment le choix d'une désignation moins 'normale' que Pierre. Pourtant, le caractère 'normal' d'une désignation n'est rien d'autre que la majeure acceptabilité et le caractère plus saillant de cette désignation pour la communauté linguistique générale ou particulière participant à la communication. Si l'on se rappelle en plus que le thème d'un énoncé manifeste une certaine affinité au présupposé (bien qu'il n'y ait pas d'identité, cf. Anscombre 1995: 60ss.), on pourrait supposer que le choix de la désignation 'normale' pour le thème de l'énoncé revient à un ON-locuteur, auquel participe normalement le locuteur de l'énoncé en acceptant, mais sans pourtant prendre en charge, cette désignation. Par contre, les désignations de type ton meilleur ami et le plus ancien allié des Etats-Unis rappellent certains types de discours indirect libre – cf. l'exemple de Jonasson (2005: 287) d'une phrase initiale d'un roman: "CETTE transparence de l'air n'est pas bon signe" (majuscules dans l'original). Ici nous retrouvons l'effet de l'anomalie dans la désignation, qui déclenche dans le contexte donné l'interprétation polyphonique.

Pourtant, force est de constater une différence considérable. Si dans l'exemple de Jonasson nous sommes contraints à chercher un être discursif différent du locuteur et de l'ON-locuteur et correspondant probablement à un personnage, ici c'est justement le locuteur en tant que tel qui choisit la désignation. Dans le cas de "Ton meilleur ami t'aidera" nous nous trouvons devant un énoncé 'moins polyphonique' que dans le cas de "Pierre t'aidera": Dans "Ton meilleur ami t'aidera", le locuteur en tant que tel est responsable de touts les éléments de l'énoncé, dont aussi du thème, tandis que normalement il n'en choisit que la partie rhématique, en acceptant seulement le thème, attribuable à l'ON-locuteur. 20 Tout comme dans le cas de l'argumentation syntagmatique, nous constatons donc que l'argument et la conclusion sont pris en charge par la même entité énonciative, donc ne constituent pas une relation polyphonique. D'autre part, la double décision du locuteur en tant que tel – de produire l'énoncé et de choisir une désignation insolite – correspond justement à deux actions langagières qui produisent une conclusion et un argument.




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4.3 Renforcement, atténuation et incontestabilité argumentatifs

4.3.1 Renforcement argumentatif

Pour le renforcement argumentatif nous prendrons en considération deux mécanismes: d'une part, la présentation de l'état de choses verbalisé dans l'argument comme appartenant à la partie supérieure d'une échelle argumentative et d'autre part, la verbalisation d'une circonstance qui devrait, normalement, rendre improbable, contre-impliquer, l'état de choses mentionné dans l'argument. 21 Nous considérons la force relative d'un argument par rapport à un autre dans un contexte donné comme la possibilité de tirer du premier au moins les mêmes conclusions que du dernier, ainsi que la possibilité de relier par des marqueurs de type et même ou et surtout ces deux arguments (cf. aussi Ducrot 1995). Le renforcement d'un argument initial par une structure linguistique consisterait donc en la constitution d'un argument plus fort par l'ajout de cette structure à l'argument initial. Ainsi, l'ajout de très à "Il est intelligent" dans le contexte argumentatif de "Il faut l'engager, car il est intelligent" produit l'argument "Il est très intelligent", un argument plus fort que "Il est intelligent" tout court, qu'on peut en outre intégrer dans la séquence "Il est intelligent et même très intelligent". Cette description correspond à la définition de la catégorie des modificateurs réalisants par Ducrot (1995), qui les considère comme des opérateurs renforçant le potentiel argumentatif de l'élément lexical concerné (en l'occurrence intelligent). L'usage des modificateurs réalisants semble être possible soit à l'intérieur de l'énoncé-argument soit dans un énoncé séparé:

(10a) Confiture de feijoa à la vanille
Toutes les préparations de pommes conviennent aussi à ce fruit. Il fait merveille dans les salades de fruits, tel quel mais il faut le citronner car il noircit très vite.
(www.linternaute.com/femmes/cuisine/forum/discussion/1522/1/ des_recettes_a_base_de_feijoa.shtml, consulté le 18.01.2009)

(10b) Pour programmer en ASM, plusieurs habitudes sont nécessaires. Autant les prendre dès le début car, très vite, ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe.
(atariste.free.fr/asm/assembleur101.htm, consulté le 18.01.2009)

D'abord, nous constatons que dans les deux séquences introduites par le connecteur argumentatif car le modificateur très vite pourrait être éliminé sans modification de la structure argumentative, ainsi que, au moins dans l'exemple (10a), il serait possible de dire "car il noircit, et même très vite". Par contre (10c), qui correspondrait structurellement à peu près à l'exemple "Il est intelligent et même très intelligent",22 semble inacceptable:




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(10c) ??Pour programmer en ASM, plusieurs habitudes sont nécessaires. Autant les prendre dès le début car ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe, et même, très vite, ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe.

Cette impossibilité est liée à la structure de (10b), qui devrait, selon les critères de Rossari (1996: 165s.) être considéré comme composé de deux énoncés "car ... ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe" et "très vite", vu la segmentation graphique et la possibilité de reprise "et cela très vite". Dans (10c) nous aurions donc une structure: "car énoncé1: ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe, et même, énoncé2: très vite, énoncé3: ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe", c'est-à-dire, énoncé2 étant parenthétique, "énoncé1 et même énoncé3", où les deux énoncés sont identiques, ce qui évidemment n'est pas possible. On pourrait donc dire que dans les cas comme (10a), le renforcement par le modificateur réalisant étant 'interne', intégré dans l'énoncé-argument concerné, il fait que l'argument 'devient' plus fort, tandis que dans les cas comme (10b) le renforcement par le modificateur étant 'externe', il ne modifie pas vraiment l'argument, mais le 'fait apparaître' fort ou 'dit' qu'il est fort (c'est pour cela que nous avons considéré de tels cas comme arguments métaargumentatifs pour la force argumentative d'un argument). Dans les deux cas pourtant, c'est le locuteur en tant que tel qui prend en charge le renforcement de façon que ce procédé ne semble pas polyphonique.

La deuxième possibilité de renforcer l'argumentation – par la verbalisation d'une circonstance contre-impliquante – se manifeste également sous les deux formes discutées (intégrée ou parenthétique), pourtant avec certaines différences:

(11a) C'est que je vous vois me sortir tous les mêmes arguments qui ont été disséminés par cet élite qui cherche à instaurer une bonne fois pour toute cette gouvernance mondiale. Riez si vous le voulez, mais ne me sortez pas l'étiquette de théories de conspiration, car même le très respecté The Financial Times l'admet dans ses pages
(www.centpapiers.com/changements-climatiques-ca-donne-froid/3688/, consulté le 18.01.2009)

(11b) Une chose est sûre: "Tout le système médical irakien est à genoux" affirme Habib Rejeb, responsable de l'OMS, pourtant très prudent sur les mots.
(www.grands-reporters.com/Embargo-sur-l-Irak.html, consulté le 18.01.2009) 23




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Dans ces exemples, les séquences en italique pourraient aussi être éliminées sans modification grave de la structure argumentative, tandis que la reprise en et même est exclue même pour l'exemple (11a), 24 dans lequel l'élément renforçant n'est pas séparé graphiquement et, bien que non-obligatoire, ne semble pas nécessairement pouvoir constituer un énoncé séparé (il est plutôt difficile d'imaginer la réalisation de très prudent par un deuxième parlant). Or, cette situation rappelle la réalisation paradigmatique d'un argument: au lieu de dire tout simplement "The Financial Times" le locuteur préfère ici ajouter "très respecté", en constituant une désignation quelque peu insolite, prise en charge seulement par lui et non pas par un ON-locuteur. En est un indice l'adverbe paradigmatisant même qui, au-delà de la force argumentative, marque un foyer contrastif, qui, normalement, est pris en charge par le locuteur en tant que tel. Dans l'exemple (11b), il s'agit par contre de deux énoncés, et le deuxième réalise, comme dans le cas (10b), un renforcement 'externe', en présentant un argument pour la force argumentative du premier. Dans les deux cas, nous constatons de nouveau l'absence de polyphonie, l'argument et le renforcement semblent être pris en charge par le locuteur en tant que tel.

4.3.2 Atténuation argumentative

Pour l'atténuation argumentative, le lien avec la délimitation des énoncés et avec la polyphonie est plus complexe. Nous pouvons constater d'abord l'existence de deux modes corollaires au renforcement – la présentation de l'état de choses verbalisé dans l'argument comme appartenant à la partie inférieure d'une échelle argumentative et la verbalisation d'une circonstance qui devrait, normalement, rendre probable et normal, donc impliquer, l'état de choses mentionné dans l'argument. 25 Mais de plus, comme il a été constaté par Ducrot (1995), les opérateurs atténuant l'argumentation – modificateurs déréalisants – peuvent produire deux effets différents: l'inversion de l'orientation argumentative ou la simple atténuation, les deux interprétations étant liées au caractère rhématique vs. thématique ou focalisé vs. non-focalisé du modificateur (cf. Ducrot 1995: 151s., 2002: 213):

(12a) C'est lentement que Paris a changé, tu ne seras pas dépaysé.

(12b) Lentement, Paris a changé, tu seras (peut-être) dépaysé.

Ducrot (1995: 152) propose ici une explication polyphonique: dans le cas (12a), c'est le locuteur qui effectue la prise en charge de l'élément atténuant – tandis qu'on pourrait considérer que l'argument possible "Paris a changé" serait plutôt présupposé et relèverait de la responsabilité de l'ON-locuteur, ce qui prévoit l'accord du locuteur sur le contenu sans prise en charge argumentative. L'orientation argumentative de l'énoncé dérive donc de la prise en charge de la faiblesse de l'argument par le locuteur, ce qui explique l'effet d'inversion, informellement, le locuteur ne présente l'argument que pour parler de sa faiblesse. Pour les exemples de type (12b), Ducrot (1995) soutient que le locuteur donne seulement son accord à une qualification adjacente sans prise en charge argumentative.




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Sur la base de nos considérations sur la délimitation des énoncés, nous sommes amenés à considérer qu'il s'agit dans (12b) plutôt d'une suite de deux énoncés, de façon que soit l'argument, soit l'atténuation seraient pris en charge par le locuteur. Plusieurs facteurs jouent en faveur de l'interprétation atténuante sans inversion de l'orientation argumentative: D'une part, la position initiale de lentement et la hiérarchie syntaxique, qui, par un effet d'iconicité, produit aussi une relation hiérarchique au niveau textuel, rendent l'énoncé-argument discursivement plus important par rapport à l'énoncé-atténuateur. D'autre part, la focalisation de l'élément argumentativement pertinent changé, permet d'activer un aspect de type "changer/changement DC dépayser", contenu dans argumentation externe de ce lexème au sens de la Théorie des blocs sémantiques, de façon que la conclusion textuellement adjacente "tu seras (peut-être) dépaysé" devienne facilement accessible. La séquence atténuante fournit donc dans ce cas également une espèce d'argument externe pour la faiblesse argumentative de l'argument, argument dont le poids est déterminé par des facteurs textuels. On observera que la séquence

(12c) Paris a changé. Lentement. Tu seras (peut-être) dépaysé.

semble beaucoup moins acceptable sans une intonation très clairement parenthétique de lentement. La position de l'argument pour la faiblesse argumentative lentement, situé entre l'argument et la conclusion, produit ici un effet beaucoup plus net de l'atténuation en rendant ainsi moins accessible la conclusion, ce qui réduit aussi l'acceptabilité de la séquence.

Finalement, nous pouvons constater que l'atténuation argumentative peut être réalisée par d'autres structures polyphoniques, comme p.ex. la modalisation épistémique. Ici il s'agit de nouveau des structures polyphoniques dans lesquelles un point de vue concernant l'insécurité épistémique ou le caractère évidentiel est superposé au point de vue argumentatif, dépendant du foyer de l'énoncé (cf. p.ex. les analyses de peut-être conduites par Nølke 1993). Nous avons constaté ailleurs (cf. Atayan 2006: 404ss., sous presse b) que les éléments atténuants peuvent être refocalisés après coup par des marqueurs métalinguistiques (je dis bien/j'ai bien dit) ou par une répétition, souvent accompagnée par un marquage graphique, ce qui produit souvent un effet d'inversion:

(13a) D'autre part – et je vous en rends un hommage – chez les plus jeunes, les moins de 30 ans, vous l'avez dit tantôt au niveau de l'entreprise, et ça s'avère aussi vrai chez les plus jeunes, il y a une légère surpondération au niveau des femmes. Je dis bien légère, mais enfin, on voit que, chez les plus jeunes, ça, ça va prendre place. (cité dans Atayan 2006: 398)




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(13b) Bravo les gars!! Du sphinx nessus??! Combien? C'est un des papillons que je convoite le plus...si jamais il y en avait à échanger... j'ai peut-être bien trouvé un spot à Glycobius alors on va voir dans deux trois semaines ... Mais je dis bien peut-être. (forums.aeaq.ca/tm.aspx?m=6967, consulté le 21.01.2009)

Dans l'exemple (13a), la séquence en italique modifie l'orientation argumentative de la séquence précédente, de façon que la suite, coorientée avec la première partie de l'exemple, doit être introduite par mais. De même ce marqueur signale le changement de l'orientation argumentative dans l'exemple (13b). L'inversion argumentative semble ici liée à une sorte de 'monophonisation', car des points de vue différents de l'énoncé initial sont intégrés dans un seul point de vue. Dans (13a), il s'agit d'abord de parler en même temps de la surpondération, et, d'une façon accessoire, de sa faiblesse quantitative, mais ensuite, la séquence introduite par Je dis bien impose la relecture de l'énoncé précédant comme une prédication unique de la faiblesse quantitative de la surpondération.

Dans (13b), c'est seulement le caractère non certain d'un état de choses qui est exprimé; il ne s'agit plus de produire un contenu et d'exprimer en même temps une attitude épistémique, mais de verbaliser tout court une évaluation épistémique d'insécurité, qui, évidemment, est capable de produire une inversion argumentative. Nous avons montré en outre que ce procédé est applicable aussi aux éléments impliquant l'inactualité d'un état de choses ("je dis bien était", "je dis bien essayé" etc.), cf. Atayan (2006, sous presse a et b). Les éléments atténuants que nous avons discutés semblent donc représenter des contextes argumentativement semi-transparents, 26 qui produisent l'effet d'inversion de l'orientation argumentative dès que le locuteur effectue la prise en charge de l'atténuation. 27

4.3.3 Incontestabilité argumentative

Le dernier type d'opération relative à un argument que nous discuterons ici est lié aux possibilités mises à disposition par la langue de présenter, en guise d'argument, un état de choses comme incontestable. Tandis que le renforcement est, du point de vue pragmatique, une façon d'assurer l'efficacité de l'argument en tant que moyen pour faire admettre la conclusion (en cela, il est comparable à l'usage parallèle de plusieurs arguments pour la même conclusion), la suggestion de l'incontestabilité permettrait plutôt d'anticiper sur la mise en doute de l'argument même (et serait en cela donc plutôt comparable à une argumentation subordonnée étayant l'argument dans une argumentation donnée). En bref, lorsqu'on s'attend à la réfutation de la conclusion malgré l'acceptation de l'argument présenté, l'anticipation passera par le renforcement de l'argument ou par l'ajout d'autres arguments, alors que lorsqu'on s'attend à la réfutation de l'argument, l'anticipation passera par une argumentation subordonnée ou la suggestion d'incontestabilité (cf. Atayan 2006: 435ss.).




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En ce qui concerne les possibilités du déclenchement de l'effet d'incontestabilité, il semble qu'elles se trouvent souvent en corrélation avec des structures polyphoniques dans lesquelles le point de vue décisif pour l'argumentation n'est pas présenté comme associé au locuteur.28 Il s'agirait donc pour ce point de vue d'une polyphonie externe (cf. Nølke/Fløttum/Norén 2004: 52ss.). Nous en citerons ici quelques exemples discutés en détail dans Atayan (2006, chapitre 6). La première catégorie des moyens de suggestion d'incontestabilité est constituée par certains déclencheurs de présupposition. En effet, bien que, normalement, les contenus présupposés ne puissent être le point de départ d'une argumentation, donc remplir la fonction de l'argument, cela est possible dans certains cas, notamment de l'usage de verbes factifs de type savoir, oublier, regretter etc. Souvent, de tels procédés sont appliqués dans des situations discursives de forte confrontation polémique, comme dans les exemples (14a) et (14b), dans lesquels l'orateur, en plaçant les contenus argumentatifs sous la responsabilité d'un ON-locuteur qui pourrait intégrer aussi l'opposant (ici le gouvernement américain), semble essayer d'éviter la discussion sur ces points:

(14a) Il y a deux options. L'option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face: cela sera long et difficile, car il faudra préserver l'unité de l'Iraq, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l'intrusion de la force. (www.consulfrance-munich.de/onu1402.htm, Intervention du Ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, au Conseil de sécurité des Nations unies le 14 février 2003, cité dans Atayan 2006: 467)

(14b) À ceux qui espèrent éliminer les dangers de la prolifération à travers l'intervention armée en Iraq, je veux dire que nous regrettons qu'ils se privent d'un outil essentiel pour d'autres crises du même type. La crise iraquienne nous a permis d'élaborer un instrument, à travers le régime des inspections, qui est sans précédent et peut avoir valeur d'exemple. Pourquoi, sur cette base, ne pas envisager la création d'une structure originale et permanente, d'un corps du désarmement relevant de l'ONU? (www.un.org/News/fr-press/docs/2003/CS2463.doc.htm, Dominique de Villepin, Conseil de sécurité de l'ONU, 4721e séance, 19.03.2003)

Une deuxième catégorie des suggestions d'incontestabilité est constituée par des énoncés sans un verbe conjugué, le plus souvent purement nominal, repris après coup par une structure démonstrative (pronominale ou nominale):

(15a) Or dussé-je sombrer un instant avec lui, je le dis tout net: ce Lionel Jospin était un peu mon homme. Cette dignité huguenote; sa véritable incapacité à être démagogue, à en dire un peu plus, même à peine plus que ce qu'il pensait; le respect naturel, sans jamais forcer le ton ni l'attitude, qu'il avait pour les autres: toutes ces qualités me remplissaient de gratitude. Il ne donnait pas à rêver? Mais ses rêves, d'abord trotskistes, avaient fait tant de mal. Ils viennent de lui faire à lui-même tant de mal. (Jean Daniel, L'ennemi, Nouvel Observateur, 23.04.2002)




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(15b) Ainsi, au moment où elle passe de quinze à vingt-cinq membres, l'Europe avance comme un canard sans tête. La stagnation économique chez les anciens, les difficultés d'adaptation chez les nouveaux, la remise en question du modèle social européen par la globalisation, le besoin d'affirmer une identité face à la superpuissance solitaire américaine ressenti, il est vrai, avec une intensité variable selon les pays –, tout cela exigerait en Europe un véritable leadership. Que ce rôle soit assumé par quelques personnalités ou par un groupe d'Etats membres. Il en a toujours été ainsi dans le passé quand l'intégration européenne a réalisé de grands progrès. (L'éditorial du Monde, L'Europe sans tête, Le Monde, 30.04.2004)

Ici nous trouvons un double effet polyphonique: d'une part, le caractère quasi-exclamatif des énoncés nominaux les rend d'une certaine façon 'aphoniques' (ce qui correspondrait à un effacement énonciatif complet29), ils ne semblent pas liés à un énonciateur qui a décidé de les produire, mais ressemblent plutôt à une interjection 'arrachée' au locuteur par la situation qu'il a perçue (cf. Ducrot 1984: 185). La reprise par un marqueur démonstratif déclenche en plus la présupposition existentielle et transpose le point de vue en question du statut 'aphonique' sous la responsabilité de l'ON-locuteur sans passer par le locuteur en tant que tel. Les séquences nominales de ce type peuvent en outre être combinées avec les modificateurs surréalisants, décrits par García Negroni (1995), notamment les exclamations "Quel ...!":

(15c) On comprend pourquoi les députés travaillistes britanniques sont si inquiets à l'idée que le Royaume Uni participe à une opération militaire sans une résolution nouvelle du Conseil de Sécurité. C'est la force des armes et non plus la force du droit qui l'emporterait. Quel recul pour la Grande Bretagne, puissance héroïque de la seconde guerre mondiale et qui est, elle aussi, à l'origine de la création des Nations Unies! (Robert Badinter, Un missile sur l'ONU, Nouvel Observateur, 18.03.2003)

García Negroni (1995: 113) propose pour les modificateurs surréalisants une description polyphonique qui prévoit un énonciateur donnant une caractérisation de haut degré pour un point de vue lié à l'état de choses en fonction d'argument, ici exprimé par recul, tandis que le locuteur 'montre' seulement sa réaction par rapport à cela. Par-là, l'existence de l'état de choses en question, en tant que déclencheur de la réaction montrée, obtient le statut d'une chose 'vécue' et non pas exprimée, donc de nouveau incontestable. Nous constatons, ici aussi, le caractère polyphonique de l'argument véhiculant un point de vue décisif pour l'argumentation qui n'est pas associé au locuteur.

Dans les cas discutés supra nous avons pu constater que l'énonciateur qui constitue la source du point de vue argumentatif peut être associé à un ON-locuteur ou rester plutôt indéterminé. La troisième possibilité, bien connue dans la théorie de la polyphonie, est l'association du point de vue en question à l'allocutaire. Nous avons déjà cité le cas de puisque, qui constitue un marqueur typique de la justification argumentative. Outre les conjonctions subordonnantes de ce type, un point de vue provenant de l'allocutaire est souvent introduit dans des contextes argumentatifs par des particules modales, très fréquentes en allemand:




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(16) In Wahrheit würde der Irak-Krieg nicht wegen, sondern trotz des Öls geführt. Schon jetzt lastet auf dem Barrel-Preis eine beträchtliche "Angstprämie". Ein Krieg, wäre er kurz, kostete konjunkturdämpfende 100 Milliarden Dollar. [...] Ginge es nur darum, den Ölpreis niedrig zu halten, wäre es risikoloser, das Ölembargo aufzuheben und Saddam zu rehabilitieren. Im auskömmlichen Umgang mit Diktatoren hat Amerika ja Erfahrung. (Thomas Kleine-Brockhoff, Die Mär vom Ölkrieg, Die Zeit, Nr. 05.2003)

Selon Doherty (1985: 78s.), le locuteur exprime par ja son attitude confirmative par rapport à une deuxième attitude, réalisée dans le reste de l'énoncé, attitude qui peut, entre autres, provenir de l'allocutaire. En 'traduisant' dans la terminologie polyphonique, nous pouvons donc dire que le locuteur présente, tout comme dans le cas de puisque, le reste de l'énoncé comme un point de vue associé à l'allocutaire virtuel ou actuel.



5 Conclusions

Dans la présente contribution nous avons proposé quelques pistes de réflexion pour préciser la notion d'énoncé, tout à fait centrale dans les théories de la polyphonie linguistique. Notre objectif était de spécifier le processus de délimitation des séquences relativement longues en énoncés en vue d'analyser les structures de l'argumentation discursive. Nous avons essayé d'intégrer nos réflexions dans le cadre général d'une linguistique énonciative et argumentative dans l'acception ducrotienne. Pour la délimitation des énoncés nous avons tenté de développer sur la base de la notion d'autonomie relative une conception qui soit plausible du point de vue pragmatique et ne soit pas liée à l'automatisme d'une relation logico-grammaticale biunivoque. Ainsi nous avons constaté que, dans le cadre choisi, des séquences allant d'un seul mot aux phrases principales avec un verbe conjugué sont en principe en mesure de réaliser un énoncé et de remplir des fonctions argumentatives. Cette posture théorique nous a amené en plus à revoir l'inventaire 'classique' des phénomènes polyphoniques, en considérant en particulier que les structures concessives et contre-argumentatives sont à analyser plutôt comme des suites de plusieurs énoncés et par là comme des phénomènes n'appartenant plus, strictement parlant, au champ de la polyphonie.




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Pour les autres fonctions argumentatives nous avons pu constater la tendance à une certaine 'monophonie' pour les structures généralement coorientées (argument + conclusion, argument + renforcement de l'argument), monophonie quelquefois plutôt insolite, comme p.ex. dans le cas de l'argumentation paradigmatique, constituée par des énoncés dont les éléments thématiques typiquement associés à un ON-locuteur généralisé sont présentés comme pris en charge par le locuteur en tant que tel. Nous avons illustré aussi un lien complexe entre la polyphonie, la délimitation des énoncés et les effets d'inversion vs. simple atténuation produit par certaines structures linguistiques. Finalement, nous avons constaté la fréquente corrélation entre la présentation du point de vue argumentatif comme provenant d'un énonciateur non identique au locuteur en tant que tel et la suggestion de l'incontestabilité argumentative. Bien sûr, nos propositions définitoires concernant les notions centrales de la théorie de la polyphonie ne sont justifiées que dans le cadre théorique choisi et en vue des objectifs posés, mais nous espérons qu'elles vont tout de même apporter une petite contribution à l'éclaircissement des relations complexes entre la polyphonie et l'argumentation discursive.



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Notes

1 Argumentatif est utilisé ici au sens applicable dans le cadre de l'analyse textuelle et ne correspond pas à "l'argumentation linguistique" définie dans Ducrot (2004), mais plutôt à l'idée que, souvent, les textes sont constitués entre autres par des structures dans lesquelles des relations d'étayage jouent un rôle primordial. Ces structures correspondent à la "séquence argumentative" au sens d'Adam (2004) et au "Vertextungsmuster Argumentation" au sens d'Eggs (2000).

2 Nowakowska (2005: 28) présente les différences terminologiques entre les textes de Bakhtine et la reprise de ses idées par Ducrot en critiquant l'usage du terme polyphonie pour "les cas de dialogisation interne de l'énoncé". Compte tenu du rôle des travaux qui ont été effectués dans la tradition ducrotienne dans le domaine des études sur l'argumentation, nous garderons ici le terme polyphonie dans l'acception de Ducrot.

3 Cf. Ducrot (1984: 176), qui souligne qu'on pourrait considérer des textes entiers comme un seul énoncé, vu qu'ils sont normalement le produit d'une intention unique de l'auteur, et Nølke (1994: 34), selon lequel un texte cohérent ne représenterait qu'un seul énoncé.

4 Evidemment, Haillet a de bonnes raisons d'ajouter cet élément flou dans la définition, sans cela, on serait contraint de considérer comme suites de deux énoncés des cas comme "J'ai vu que Paul est rentré", ce qui serait difficilement acceptable.

5 L'ajout de directement rend cette formulation quelque peu vague, pourtant il nous paraît important, pour éviter la nécessité de considérer automatiquement des textes entiers, où, normalement, "tout se tient", comme des énoncés, ce qui nous ferait revenir à la définition macroscopique et empêcherait le positionnement au niveau pertinent pour l'analyse de l'argumentation. Cf. aussi la distinction de Berrendonner (1990: 25ss.) entre le domaine de la rection (qui est à peu près celui de la cohésion à l'intérieur des énoncés) et celui des relations d'implication entre au moins deux énoncés indépendants.




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6 D'autres actions langagières, comme p.ex. la désignation, ne semblent pas pouvoir, en dehors de contextes très particuliers, exprimer une intention communicative séparable. De telles actions sont systématiquement intégrées dans la réalisation d'actions plus complexes (en fonction illocutoire ou interactive).

7 Dans la terminologie de Nølke/Fløttum/Norén (2004: 101ss.), le résultat d'une restructuration énonciative semble correspondre au "passage polyphonique".

8 Exemple de Rossari (l.c.).

9 Cette unité correspond plus ou moins à l'"Informationseinheit" de Brandt (1990), ainsi qu'à l'"Unita Informativa" de Ferrari (2001, 2005), qui utilise pour l'unité de rang supérieur le terme "Enunciato" (celui-ci désigne à peu près une séquence linguistique susceptible de réaliser un acte illocutoire). La différence terminologique entre les travaux de Cresti et Ferrari et la définition de l'énoncé proposée ici est liée aux points de départ et aux objectifs différents: tandis que dans le premier cas le critère décisif est constitué par le marquage prosodique fort, il s'agit dans notre cas des considérations pragmatiques autour de l'autonomie relative, de façon que les deux approches nous semblent justifiables.

10 Cette position nous semble aussi compatible avec les considérations de Rossari (1996: 164ss.) sur la segmentation du discours en unités atomiques, surtout dans le cas des structures explicitement ou implicitement biprédicatives (cf. aussi Berrendonner 1990).

11 Les exemples provenant de sites internet, qui constituent la majorité de notre corpus, sont reproduits sans corrections ni modifications. Les séquences en question sont marquées en italiques. De plus, nous avons repris certaines séquences citées dans Atayan (2006).

12 Pour d'autres tests linguistiques qui démontrent la particularité de ces deux constructions cf. les travaux cités de Rubattel (1985: 86ss., 1986a: 136ss., 1986b: 91s.) et Brandt (1990: 38, 46ss., 72ss., 81, 91ss.) ainsi que la discussion dans Atayan 2006, chap. 3.

13 L'analyse présentée pour ces deux catégories est compatible avec le critère de Rubattel (1986b: 95), selon lequel ne sont des unités monophoniques minimales que les projections syntaxiques maximales dominées par des projections syntaxiques maximales (v. aussi Atayan 2006: 157ss.).

14 D'ailleurs, la fonction de la prosodie au niveau de la phrase est, entre autres, justement de marquer le caractère plus ou moins complet d'un énoncé.

15 Cf. aussi Brandt (1990) et Ferrari (2005) pour les phrases relatives.

16 Cf. aussi Simon (2001).

17 Souligné par nous.

18 DC représente un connecteur de type donc en français, et l'aspect en question correspond aux séquences "e1 donc/alors e3"/"e3 car e1" etc., où e3 est un énoncé contenant l'élément lexical C (cf. Ducrot sous presse).

19 Pour une analyse détaillée de ces fonctions argumentatives cf. Atayan (2006, sous presse a et sous presse b).

20 En effet, on peut imaginer, après "Ton meilleur ami t'aidera" la réaction "Mais pourquoi tu l'appelles comme ça?", ce qui ne serait normalement pas possible après "Pierre t'aidera".




PhiN 49/2009: 34



21 Pour une discussion détaillée cf. Atayan (2006, sous presse a et b) ainsi que Lo Cascio (1991: 189ss.), Blumenthal (1990: 37s.), Kalokerinos (1995: 82, 96s.), García Negroni (2001: 50ss., 2003: 61ss., 78).

22 On remplace ici "intelligent" par "ce qui apparaissait comme de petits problèmes peut tourner à la catastrophe" et "très" par "très vite". Evidemment, dans l'exemple "Il est intelligent et même très intelligent" ou aussi "Mais avant, j'ai travaillé et même beaucoup travaillé" (www.france-info.com/spip.php?article24148&theme=&sous_theme=&debut_messages=30, consulté le 20.03.2009), une séparation graphique et intonation parenthétique ne seraient pas possible non plus: "??Il est intelligent et même, très, intelligent" ou "Mais avant, j'ai travaillé et même, beaucoup, travaillé".

23 Bien que les deux argumentations semblent être des argumentations par autorité, cette façon de renforcer l'argumentation ne se limite pas à ce type, cf. "Pierre n'est pas vraiment génial, il n'a pas été reçu à l'examen, pourtant très facile".

24 Elle serait exclue même dans une version sans le marqueur de la force argumentative même.

25 Ce dernier type ne sera pas discuté en détail ici, cf. Atayan (2006, sous presse a et b).

26 Cf. Ducrot (1980: 20s.) et Kalokerinos (1995: 84) sur la notion d'opérateur argumentativement transparent.

27 Dans ce cas aussi, la forme parenthétique et la position peuvent jouer un rôle important, ainsi un marqueur de focalisation rétrospective placé immédiatement après l'élément potentiellement atténuant ne produit pas nécessairement l'inversion: "Le commentateur de service Léon Six Trônes avait suivi la course: Ils sont partis! ... le favori est en tête, Monseigneur Ratzinger, casaque rouge et surplis blanc ... quoiqu'ils aient tous la même casaque de l'écurie Vaticane, et on peine à les distinguer ... au premier virage, il semble ... je dis bien, il semble, que Monseigneur Scola essaie de passer à la corde ... mais Monseigneur Ratzinger s'accroche et lui ferme le passage, tandis que Monseigneur Tettamangi essaie de le déborder par l'extérieur!" (Atayan 2006: 405).

28 Cf. la notion d' "autorité polyphonique" de Ducrot (1984: 153ss.) et Nølke/Fløttum/Norén (2004: 129ss.).

29 Cf. Vion (2001: 221) et Rabatel (2003, 2004). On reconnaîtra aussi une certaine analogie avec la description de Charaudeau (1992: 649f.):

"Le sujet parlant s'efface de son acte d'énonciation et n'implique pas l'interlocuteur.
Il témoigne de la façon dont les discours du monde (le tiers) s'imposent à lui" (italique dans original).

En particulier, dans ces cas "le Propos s'impose de lui-même". Cf. aussi l'observation de López Muñoz (2004: 93): "Le poids de la justification alléguée est directement proportionnel à l'indéfinition de l'énonciateur. En d'autres termes, l'autorité de l'énonciateur est d'autant plus efficace qu'elle est plus indéterminée et plurielle".