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Hélène Perdicoyianni-Paléologou (Johannesburg)



Alain Blanc (2008): Les contraintes métriques dans la poésie homérique. L'emploi des thèmes nominaux sigmatiques dans l'hexamètre dactylique. Collection linguistique publiée par la Société de linguistique de Paris XCIV. Louvain–Paris: Peeters.



Le présent volume est le fruit des réflexions sur les adjectifs sigmatiques du grec ancien et des études approfondies sur des problèmes d'étymologie, de morphologie et de sémantique.

Alain Blanc, plaçant sa démarche dans une perspective synchronique, décrit les principes qui régissent le fonctionnement des emplois homériques des thèmes nominaux sigmatiques dans l'hexamètre. Précisément, il examine les formes sigmatiques, qui sont susceptibles d'entrer dans l'hexamètre dactylique, et les formes casuelles, qui y sont admises ou exclues. À cela s'ajoute l'étude des solutions apportées au caractère amétrique de certaines formes, des possibilités d'emploi des formes utilisées en hexamètre et, enfin, de l'"incidence de la forme métrique des adjectifs et des anthroponymes sigmatiques sur la constitution même des syntagmes et donc de la phrase homérique" (15).

Dans un premier temps, l'A. dresse un inventaire détaillé de tous les substantifs et de tous les composés sigmatiques des deux œuvres majeures d'Homère, l'Iliade et l'Odyssée, les Hymnes homériques ayant été exclus.

Après avoir présenté la structure de l'hexamètre dactylique, l'A. examine, d'abord, les mots à radical à syllabe brève (type βέλος) et, puis, l'emploi des mots à radical à syllabe longue (type τεῖχος). En prenant en considération la nature de l'initiale du radical et celle de la finale du mot précédent, qui déterminent la quantité brève ou longue de la syllabe précédant l'élément sigmatique, il étudie la caractéristique sigmatique qui est précédée d'une syllable longue (A. Radicaux monosyllabiques: formes du type de ζᾱής. B. Radicaux de forme iambique: formes du type de ποδώκης. C. Radicaux de forme spondaïque: formes du type de ἀσκηθής. D. Radicaux de forme anapestique: formes du type de περικαλλής. E. Radicaux de forme choriambe: formes du type de οὐρανομήκτης. F. Radicaux de forme bacchée: formes du type de καταπρηνής), la caractéristique sigmatique qui est précédée de deux syllabes brèves (G. Formes à radical pyrrhique: type de ἀσινής. H. Formes à radical dactylique: type de ἀγχιβαθής)




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et la caractéristique sigmatique qui est précédée d'une syllabe longue et d'une syllabe brève (I. Formes à radical de schéma trochaïque: type δυσμεν(ής). J. Formes à radical amphibraque: type διηνεκ(ής). K. Formes à radical en péon 3e: type ἁλιοτρεφ(ής). L. Formes à radical en palimbacchée: type αἰθρηγενής).

Pour ce qui est de l'insertion du mot dans l'hexamètre, l'A., prenant comme critère la nature vocalique ou consonantique de l'initiale du mot suivant, distingue entre les différentes formes casuelles, possédant des désinences et qui sont restées indépendantes du radical ou fondues avec lui.

Convaincu que la place où le mot s'insert dépend généralement de la coupe de l'hexamètre, il discerne trois types de l'adaptation des mots au mètre dactylique et à l'hexamètre: i) l'adaptation des radicaux au rythme dactylo-spondaïque; ii) l'adaptation des finales à ce rythme: synizèses, contractions et diphtongaisons; iii) l'adaptation des mots à la structure de l'hexamètre.

L'examen des conditions d'emploi du datif pluriel en – έεσσι, des formes latives à postposition δε, confirme son postulat selon lequel le fonctionnement des formes dépend de la forme du radical.

L'approche étymologique et morphologique des formes nominales sigmatiques se complète par une étude syntaxique. Les questions sur lesquelles l'A. se penche sont les suivantes: les compatibilités d'emploi entre substantifs sigmatiques et adjectifs, le voisinage entre substantifs sigmatiques et prépositions-préverbes, la co-occurrence des substantifs sigmatiques avec les particules de liaison en tête de l'énoncé, les emplois des substantifs sigmatiques à l'intérieur des syntagmes, leur place dans la proposition et, enfin, les cas d'enjambement, si nombreux dans l'épopée homérique.

Cet ouvrage comble un manque dans la mesure où il apporte des éclaircissements sur la manière dont Homère a employé dans l'hexamètre une classe morphologique bien déterminée, celle des substantifs et adjectifs sigmatiques. Par sa sagacité d'interroger les textes, par sa rigueur méthodologique et par son honnêneté intellectuelle, qui le conduit à rappeler les travaux de ses prédecesseurs, Alain Blanc se recommande aux lecteurs de son livre, qui leur servira d'outil de linguistique pour mieux comprendre des questions homériques cruciales, telles le fonctionnement des formules, le contraste entre tradition et renouvellement de la langue et, enfin, les contraintes imposées par la métrique sur la récitation.