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Bernard Mulo Farenkia (Sydney/Nova Scotia, Canada)



Appellatifs et stratégies de politesse à la camerounaise



Appellatifs et stratégies de politesse à la camerounaise
In this paper we present some results of our research on the use of nominal address forms as politeness strategies by francophone Cameroonians. The empirical analyses lead to the following findings: 1) Since they are fond of creating (both morphologically and semantically) lexical items, Cameroonians have a very rich repertoire of address forms to express, construct and foster solidarity, closeness, deference, intimacy, kinship, togetherness, trust, etc. 2) The pragmatic functions of the terms used depend on contextual (speech situation, interpersonal relationship, etc.) and cultural (age, gender, social hierarchy, ethnic background, etc.) variables. 3) The forms of address used reflect the multilingual and multicultural character of the society and the collectivistic Cameroonian way of life. Data were drawn from a variety of situations (interactions in institutions, bars, taxis, markets, cultural gatherings, etc.), interviews and supplemented by examples from literature.



1 Introduction

Nous nous proposons d'analyser l'énonciation appellative en milieux camerounais. Il s'agira précisément de présenter quelques formes et valeurs pragmatiques des formules d'adresse1. C'est désormais une évidence: Le bon déroulement d'une interaction exige des interlocuteurs qu'ils sachent "à qui ils ont affaire", qu'ils puissent se constituer de leurs vis-à-vis une certaine "image" et qu'ils aient accès à une partie au moins de leur "identité." (Kerbart-Orecchioni 2005b: 156) En même temps que les intervenants se construisent leur identité, "s'instaure entre [eux] un certain type de relation – de distance ou de familiarité, d'égalité ou de hiérarchie, de conflit ou de connivence, les différentes facettes que comporte la dimension relationnelle pouvant être ramenées à deux axes principaux: l'axe "horizontal" et l'axe "vertical" (Kerbrat-Orecchioni 2005b: 164)

Pour accomplir ces multiples tâches qui leur incombent, les partenaires d'interaction doivent gérer efficacement les ressources verbales, para- et non verbales variées dont ils disposent. On le sait bien, les appellatifs entrelardent la plupart, sinon toutes les interactions verbales où ils permettent aux interlocuteurs de se désigner, de s'interpeller mutuellement, de marquer et de (re)construire en permanence leurs relations. Comme éléments omniprésents dans les interactions verbales, les termes d'adresse " accompagnent des actes rituels fort nombreux de l'ouverture et de clôture (salutations, vœux, remerciements)" (Traverso 1999: 101) Ces divers procédés appellatifs permettant ainsi "d'impliquer son interlocuteur dans son acte de langage" (Charaudeau 2005: 134) peuvent être interprétés, selon les contextes, comme actes valorisants ou menaçants pour les faces des protagonistes, comme stratégies de politesse ou d'impolitesse. Les formules d'adresse employées au Cameroun échappent généralement aux définitions et typologies habituelles, tant leurs formes et leurs fonctions sont diverses et ondoyantes.




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Nombreuses sont les situations qui renforcent le sentiment qu'il n'y a pas plus beau cadeau à l'endroit d'un interlocuteur que de l'appeler bao, grand, patron, chef, honorable, Sa Majesté, tonton, mon beau, papa, maman, etc. La stratégie appellative dépend à la fois des facteurs internes, de variables extralinguistiques et des visées pragmatiques des interactants.

Notre objectif est de présenter une typologie des contextes et des formes des appellatifs en milieux camerounais francophones. Dans un premier temps nous dévoilons brièvement notre démarche méthodologique. Dans la deuxième partie nous aborderons l'emploi des appellatifs au Cameroun à travers l'analyse de quelques situations quotidiennes.



2 Corpus et méthodologie

Le corpus qui sous-tend ce travail est constitué de données collectées dans diverses situations authentiques de la vie quotidienne (conversations en famille, entre amis, dans les petits commerces, dans les institutions, etc.) Ces données ont été complétées par diverses informations recueillies lors de nos entretiens semi-directifs avec plusieurs informateurs et de multiples enquêtes sur le terrain (observation participante). En plus de quelques exemples tirés d'autres travaux, nous avons aussi eu recours à certains extraits de "dialogues littéraires", car nous pensons – et Sifianou le pense aussi – que la littérature est un miroir de la société. Et comme telle, elle

reflects and portrays a great variety of people from different social backgrounds. Not only does it reveal their use of language in a variety of situations given in context, but also their attitudes and valeus about language itself. This kind of extensive variation is very difficult to capture in any manageable corpus of fieldwork data. (1999: 5–6)

Au lieu de partir de quelques fonctions, notre démarche consistera à privilégier plutôt certains contextes d'usages pour dégager les différentes valeurs pragmatiques que les appellatifs se chargent d'exprimer dans lesdits contextes. Nos analyses se fondent sur le postulat que tout appellatif est aussi un acte de discours qui "vise à accomplir quelque chose" (Austin 1970: 19), ajoutons-le, dans un contexte bien défini. Nous chercherons donc à interpréter les appellatifs pas comme indicateurs de rapports préétablis mais plutôt comme indices de contextualisation de multiples enjeux relationnels que les interlocuteurs (re)négocient en permanence. Il sera ainsi question de décrypter l'intention qui sous-tend le choix des modes d'adresse. C'est une approche qui permet de mieux évaluer la porté d'un terme d'adresse en fonction de celui qui parle, de celui à qui on s'adresse, en fonction des enjeux relationnels et de la situation de communication. Une telle démarche est, on le verra sans doute, essentielle pour comprendre la dynamique des appellatifs, leurs déterminants dans les interactions sociales et de mieux mettre leur polyvalence fonctionnelle en évidence.




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3 Formes et contextes d'usages

Précisons d'emblée que notre attention sera exclusivement portée sur les noms d'adresse. Peut-être convient-il aussi de rappeler avec Kerbrat-Orecchioni que les noms d'adresse sont des "syntagmes nominaux susceptibles d'être employés en fonction vocative, [ils] se repartissent en différentes catégories (noms, prénoms, et surnoms, termes de parenté, titres, etc.)" (1996: 73). Leurs valeurs relationnelles sont fonctions des contextes d'usage. D'une manière générale, les termes d'adresse

peuvent non seulement dévoiler une face du destinataire, mais aussi la perception de celui-ci par ses interlocuteurs et de leurs relations mutuelles. Ils renseignent aussi sur la perception que l'utilisateur du terme d'adresse a de lui-même, sur le milieu social auquel il appartient, son rang hiérarchique, sa religion, etc. En désignant une personne à l'aide d'un terme d'adresse choisi parmi le paradigme plus ou moins étendu offert par la langue, l'énonciateur se positionne dans l'interaction qu'il engage, et il le fait en fonction de la situation et des règles sociales qui l'entourent. (Dimachki & Hmed 2002: 2)

Les contextes que nous avons choisis ont chacun la particularité de faire transparaître des facteurs déterminants dans le discernement des valeurs pragmatiques des appellatifs employés. C'est ainsi que le contexte commercial met en évidence l'influence des visées des protagonistes (séduction ou persuasion à but lucratif) sur l'interprétation des termes d'adresse choisis.


3.1 Les appellatifs dans les petits commerces

Si on assiste au Cameroun davantage à la création de grandes surfaces de vente et de distribution (de produits de première nécessité), marquées par le "self-service", il n'en demeure pas moins que les transactions commerciales se déroulent encore largement dans les petits commerces (bars, restaurants, boulangeries, marchés de plein air, alimentations, etc.) caractérisés essentiellement par l'interaction directe entre le vendeur et le client. Dans certains de contextes susmentionnés (ventes des vivres, habits et chaussures usagés, etc.) la négociation du prix de la marchandise semble être l'événement langagier (le plus) inéluctable. Même si les prix des marchandises sont déjà fixés dans les contextes comme les bars, les boulangeries, etc. l'interaction verbale est nécessaire pour fidéliser la clientèle. Dans les deux cas de figure la "réussite" de la transaction est plus ou moins tributaire du comportement langagier et plus particulièrement de la compétence persuasive des partenaires. L'un des procédés utilisés à cette fin est la politesse. Le rôle joué par les rituels de politesse dans les transactions commerciales au Cameroun confirme bien l'affirmation de Kerbrat-Orecchioni que

les petits commerces constituent [...] un lieu privilégié pour observer le fonctionnement de la politesse linguistique" et que la politesse se "rencontre dans les séquences encadrantes d'ouverture et de clôture, qui ont une fonction essentiellement rituelle, et où la politesse s'exerce de façon relativement indépendante de la transaction. Mais [il] se rencontre aussi dans le corps de l'interaction (requête et remise du produit, requête et remise de la contre-partie financière), où la politesse est incorporée à la composante transactionnelle. (2005b: 242)




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La politesse dans les interactions commerciales prend des formes diverses: salutations, remerciements, requêtes, formes d'adresse, etc. Les appellatifs s'utilisent aussi bien par les vendeurs que par la clientèle pour s'acquitter en règle générale d'une tâche tridimensionnelle, notamment initier la transaction, en assurer le bon déroulement et la conclure harmonieusement. Dans leurs pratiques appellatives vendeurs et acheteurs misent sur la complicité, la séduction, l'humilité et la confiance, etc. Et les formules d'adresse qui expriment ces intentions peuvent se regrouper dans trois catégories:

  • La mise en scène de la "connivence d'intérêt" ou la "complicité économique" à travers l'emploi des termes Asso, As, Associé, Joueur, Membre
  • La sémiotisation de la "dépendance économique" du vendeur à travers les termes Patron, Grand, Bao
  • La mise en scène de la "complicité" à travers l'évocation de l'appartenance à une même famille économique: Ma sœur, Mon frère, Mon beau, Ma sœur, Le père, La mère, etc.

Le terme Associé ou Asso / As indique le "mariage économique" que le vendeur entend nouer avec son client et vice-versa. En effet, le client est présenté comme un "membre" de l'entreprise. Il y a ici mise en scène de la connivence d'intérêts. Ces appellatifs sont relayés par les termes Membre, Joueur qui indiquent aussi que le vendeur entend entretenir un rapport empreint de solidarité ou de complicité avec sa clientèle. Cette stratégie appellative a pour but d'inciter les clients à œuvrer activement au bon déroulement de la transaction. De même que la clientèle use ou abuse des appellatifs Asso, Membre, etc. pour établir un rapport de confiance avec les partenaires de la transaction. Pendant que les vendeurs emploient ces appellatifs pour fidéliser et accroître leur clientèle, les clients s'en servent aussi pour faciliter la négociation du prix et accélérer ainsi le cours de la transaction. À ces différentes valeurs pragmatiques il faut ajouter que l'appellatif asso peut être utilisé par un client / une cliente, comme l'exemple qui suit l'illustre, pour obtenir la gratuité du produit:

(1) La cour du Client-est-Roi s'était vidée de clients, et je vis soudain l'homme se réveiller en mon maître. Il faisait des yeux liquides à une frêle femme, une ultime cliente, et ce n'en était pas une vraiment, qui était encore-là, assise sur un casier renversé: c'était une associée. [...] Bientôt elle dit, impatiente: "Asso, tu ne me donnes même pas un petit quelque chose?" Elle n'avait pas le temps à perdre. Je vis mon maître sursauter. [...] "Rien que pour vos yeux, madame" dit-il. Et il se baissa. "C'est la maison qui paie." (Nganang 2001: 303)

On peut relever l'emploi du groupe de mot "petit quelque chose" qui sert à adoucir la requête de la cliente en présentant ce qu'elle demande (la boisson) comme "effort minime" pour le propriétaire du bar (Massa Yo).




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Les appellatifs grand, patron, bao s'utilisent (presque) exclusivement par les personnes qui vendent. Ils illustrent bien les rapports asymétriques entre vendeurs et acheteurs. À travers ces appellatifs les locuteurs s'approprient explicitement l'adage "le client est roi." Ainsi le vendeur ou la vendeuse se montre disposé(e) à se mettre entièrement au service de son "patronat." Dans ce rapport de place exprimé par les appellatifs Grand, Patron, Bao les vendeurs déclinent donc explicitement leur "dépendance" vis-à-vis de la clientèle. Autrement dit: le sujet parlant s'appuie sur ces appellatifs pour négocier un contrat de travail ponctuel avec son client, contrat dans lequel il précise d'emblée son statut d'employé. Cette manifestation verbale du rapport inégalitaire est bien évidemment valorisante pour la face de l'acheteur. La récurrence de ces modes d'adresse en pareilles circonstances s'explique par le fait que toute stratégie de séduction est vitale pour la survie "économique" du vendeur, la demande étant très souvent inférieure à l'offre. Les deux extraits suivants du roman de Nanga (1982: 186, 200) illustrent deux situations similaires, dans lesquelles le serveur, Évariste (E) utilise le terme Patron / Le Patron pour indiquer la position haute du client Bilanga (B).

(2) E Le patron a besoin d'une autre bouteille? (...)
  B Ah! Oui. Je voudrais une autre bouteille.
  E Il suffit de nous faire signe, patron. Nous sommes là pour vous servir.
Ne vous dérangez pas.
(Le garçon prit la bouteille et reconduisit Bilanga à sa place.
Quelques instants après, il ramenait un autre champagne.)
  E Voilà, patron.


(3)   (Bilanga fit signe au garçon qui servait à la terrasse)
  B Que buvez-vous, monsieur l'Inspecteur?
  I Un perroquet. Votre papier m'a donné soif. Je n'ai jamais été fort en explication de textes.
  V Oui, patron, qu'est-ce qu'on vous sert?
(Fit le garçon en se mettant presque au garde-à-vous devant Bilanga)
  B Un perroquet pour Monsieur. Un planteur pour moi.
  V Oui, patron.

Bien que détenteur d'un certain pouvoir, en l'occurrence celui de servir, pour reprendre les termes de Kerbrat-Orecchioni (2005b: 177), le serveur se montre très humble, dans ces deux extraits. Il fait profil bas pour faire ressortir la position dominante du client Bilanga. Cette stratégie "d'auto humiliation" se réalise par le biais du terme honorifique Patron. Les énoncés du serveur dans le premier extrait (Il suffit de nous faire signe, patron. Nous sommes là pour vous servir Ne vous dérangez pas) viennent renforcer cette interprétation de l'appellatif patron. En utilisant le terme patron, le serveur dit en substance ceci à son client: "je te/vous vois comme un de mes employeurs et sans vous je ne suis pas ici. Je suis là pour un seul but: vous servir." C'est évident que cet appellatif est à la fois honorifique (pour l'interlocuteur), "humiliant" et stratégique (pour le serveur): Ses intérêts économiques et professionnels passent avant l'orgueil personnel ou les préoccupations de "face." Car ces appellatifs servent à séduire l'interlocuteur et l'inciter à jouer davantage son rôle de "bon" client.




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Que dire des appellatifs mon frère, ma sœur, mon beau? Il faut noter d'emblée que nous avons affaire ici à la mise en scène des relations familiales. C'est-à-dire les interactants misent sur la relation fraternelle pour impliquer pleinement leurs partenaires d'interaction dans l'activité commerciale perçue dorénavant comme entreprise familiale. Le sujet parlant se construit une identité qui va au-delà de son rôle situationnel (vendeur ou acheteur). Par le biais des termes de parenté le locuteur veut amener l'autre à prendre ce qu'il dit pour ce qu'il est. Il joue donc entre son identité contextuelle et l'identité sociale (parent) pour atteindre des objectifs inavoués: Mieux vendre pour l'un et acheter à un bon prix pour l'autre. L'identité contextuelle se cache derrière l'identité sociale que le locuteur énonce explicitement à travers mon beau, ma sœur, le père, etc. La parenté construite est mise en avant pour inciter à la solidarité économique. Il faut noter toutefois que ces appellatifs affectueux ne sont pas toujours volontaires. Mais certaines formes d'adresse peuvent s'employer en contexte commercial comme procédés accompagnateurs et amplificateurs permettant au locuteur de fixer un autre cadre thématique de l'échange verbal. Dans ces cas les appellatifs usités sont tout à fait volontaires. Analysons, à cet effet, les fluctuations appellatives de la serveuse (S) à l'égard de sa cliente (C) dans le dialogue suivant2:

(4) S Bonsoir, Mademoiselle. Que vous êtes BIEN coiffée!
  C Merci, Madame.
  S C'est la GREFFE ou le chapeau?
  C C'est la greffe.
  S AH AH (...) ÇA ALORS, on ne dirait pas.
Comment font les autres (...) ÇA, MA SŒUR?
Peux-tu me dire OÙ tu (...)?
  C C'est Chantal coiffure à Bastos
  S Bastos, ehm ehm (...). Je comprends maintenant (...)

L'importance des appellatifs dans cet exemple est évidente. Ce dialogue commence par un acte de salutation suivi d'un acte laudatif (sous la forme exclamative). On peut noter l'emploi de l'appellatif mademoiselle et du vous de politesse. Les deux actes rituels (salutation et compliment) permettent à la serveuse de réussir l'entrée en interaction avec la cliente. La réponse de cette dernière illustre bel et bien cette entrée en matière réussie. Il est évident, au regard du deuxième énoncé de la serveuse, que son acte laudatif en début d'interaction avait surtout pour but de fixer le contenu de l'échange qui va suivre. Le compliment formulé à l'endroit de la cliente a pour but de l'amener à fournir des renseignements relatifs à sa coiffure. Mais pour désamorcer la menace que constitue sa question (plus ou moins indiscrète sur le matériel utilisé pour la coiffure) et pour créer une atmosphère de confiance avec la cliente, la serveuse utilise plutôt l'appellatif ma sœur. De mademoiselle à ma sœur on décèle un travail de rapprochement très tactique. Avec ce changement de mode d'adresse la serveuse en appelle à la solidarité (féminine) de l'autre et se présente tout simplement comme une "sœur" et non comme une inconnue trop envieuse ou "rivale". On peut aussi noter le passage très stratégique du "vous de distance" au "tu de rapprochement et de solidarité." Ce pronom d'adresse sert, donc, en combinaison avec l'appellatif ma sœur à créer ce climat de confiance vital pour l'obtention des informations recherchées par la serveuse. On peut déduire que la manifestation de la politesse à l'égard de la cliente (à travers le compliment et les formes d'adresse) constitue une forme de dette ou de cadeau que la serveuse impose (subrepticement) à son vis-à-vis. Et pour rembourser cette dette, pour rétablir l'équilibre rituel entre elles, la cliente se voit plus ou moins"obligée" de fournir les renseignements demandés.




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Si les formules d'adresse en contexte commercial sont diverses et variées, elles sont mises au service d'une seule stratégie: Séduire le client pour l'amener à (bien) acheter. Amener le vendeur à accepter un prix qui "n'appauvrit" pas le client. Certains appellatifs servent, comme l'a montré la conversation entre la cliente et la serveuse, à faire une fixation thématique. Une étude plus approfondie des appellations en contexte commercial pourrait permettre de découvrir que les protagonistes ont le sentiment que la transaction commerciale est, avant tout, une affaire de famille, une activité collective ou une affaire de proximité dans laquelle chacun doit bien jouer son rôle. Puisque les interactants affichent une relation plutôt proche, ils ont tendance à utiliser des appellatifs qui renvoient aux sèmes de "famille, association, collectivité, complicité, équipe, proximité, bien commun." Autrement dit: Les intérêts économiques apparemment inconciliables finissent par s'effacer au profit de l'esprit de famille. Sur le plan de la relation verticale l'interaction semble motivée par un comportement on ne peut plus déférent de la part des vendeurs.



3.2 Les appellatifs en milieu universitaire

Parmi les contextes au Cameroun où l'emploi des appellatifs est fortement prononcé, on peut citer les contextes institutionnels. La manifestation de la politesse dans ces situations s'observe dans le choix de formes d'adresse précises qui mettent en mots les divers rapports de place préétablis ou construits entre les interlocuteurs. Comme contexte illustratif nous présentons ici le milieu universitaire, parce qu'il dégage clairement l'influence de l'axe de la hiérarchie institutionnelle (et sociale aussi (âge et position matérielle) sur le comportement appellatif des sujets parlants.

La communication entre les enseignants et les étudiants est essentiellement asymétrique. Ce rapport de place est illustré par l'emploi des pronoms et noms d'adresse. L'élément déterminant est, comme nous l'avons dit, le statut institutionnel. En effet les étudiants vouvoient leurs enseignants alors qu'ils sont tutoyés par ces derniers. En plus, ils ne doivent pas appeler leurs enseignants par le prénom. Les appellatifs employés sont Monsieur + nom de famille + vous; Madame + nom de famille + vous; Prof + vous. Mais la préférence va aux appellatifs suivants: Docteur + nom de famille + vous et Professeur + nom de famille + vous.

En fonction de l'âge de l'interlocuteur, on assiste à des variations stylistique de l'appellatif Docteur. Ainsi docteur est utilisé, lorsque l'écart d'âge est considérable. Les deux variantes argotiques Doc et Docta sont récurrentes dans les situations où les interlocuteurs ont sensiblement le même âge. L'appellatif docteur est aussi employé en contextes formels pour désigner et marquer le respect et la distance envers un enseignant (titulaire d'un Doctorat), comme le montre l'exemple qui suit:

(5) Bonjour docteur Farenkia. Je voudrais vous rencontrer.

La variante docta / doc est quant à elle utilisée pour exprimer le respect empreint de complicité envers un enseignant avec qui il existe déjà une certaine familiarité. Dans ce contexte l'appellatif docta peut s'employer avec ou sans patronyme de l'interlocuteur:




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(6) Bonjour, doc!
(7) Est-ce qu'on a cours aujourd'hui docta?
(8) Comment allez-vous docta?
(9) Est-ce que je peux passer au bureau vous voir docta?

Parce que ce registre familier marque une relation plus ou moins proche, l'emploi du nom de famille semble être paradoxal. Aussi les locuteurs utilisent-ils la variante docta + nom de famille essentiellement dans l'énonciation délocutive:

(10) Gars, j'ai vu docta Teguia à l'ENS. Il était très frais.
(11) Docta Tagne n'est pas passé en Fac ce matin. Nous n'avons pas vu sa voiture.

La valeur relationnelle de docteur et docta varie en fonction des registres. L'appellatif standard semble être plus distant que ses variantes argotiques doc et docta. Cette variation fonctionnelle expliquerait pourquoi le terme standard s'emploie beaucoup plus avec le nom de famille.

L'appellatif professeur / prof est réservé aux interlocuteurs appelés dans le jargon universitaire camerounais "professeur de rang magistral" (Associate Professor / Professeur titulaire) Le rang remplace le titre académique: Professeur + nom de famille + vous. Le diminutif prof s'utilise généralement à l'égard d'un interlocuteur proche, et dans ce cas il n'est pas accompagné du patronyme. Cependant, cet appellatif est devenu un terme générique (honorifique) pour désigner l'enseignant de l'université tout court (assistant comme professeur de rang magistral). L'appellatif professeur est dans ce cas un exemple de catalogage: il y a désignation de la profession et valorisation de la face de celui qui l'exerce. Notons aussi l'emploi de l'appellatif Grand Prof qui manifeste la connivence entre enseignants et étudiants et parfois l'admiration envers un enseignant particulièrement brillant. Il faut relever que les termes docta, prof, professeur sont en milieu universitaire camerounais aujourd'hui des appellatifs au contenu très opaque et très variable.

Peut-être convient-il de relever ici que les appellatifs argotiques doc et docta constituent des cas de "coup de force discursif" (Maingueneau 2001: 9) opéré par les étudiants. En effet, l'emploi desdits termes d'adresse à l'égard des enseignants trahit une certaine volonté des étudiants de déconstruire avec élégance et tact certaines normes préétablies en milieu universitaire. Dans un contexte institutionnel où le respect du supérieur académique est de rigueur, les étudiants inventent en effet une stratégie pour construire "discursivement" un autre type de rapport marqué plutôt par la complicité. À travers ces appellatifs argotiques les étudiants accomplissent un renversement et une redéfinition de leurs rapports avec leurs enseignants. Ces appellatifs semblent, à notre avis, formuler le vœu des étudiants de se soustraire au respect des normes trop rigides et de laisser la flexibilité relationnelle s'exprimer pleinement. On notera que les étudiants ont pris un goût irrésistible pour cette flexibilité appellative au point de donner du docta aussi bien à leurs camarades thésards qu'aux étudiants (particulièrement) brillants. Par cette élasticité pragmatique, ces locuteurs entendent construire ou (re-)établir une forme d'égalité symbolique (sur le plan du savoir) avec leurs enseignants.




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En dehors des titres et rangs académiques la communication universitaire est aussi marquée par l'emploi d'appellatifs indiquant les fonctions administratives de l'interlocuteur: Monsieur le Doyen, Monsieur le Recteur, Monsieur le Directeur (responsable d'une grande école). Ces formes d'adresse sont aussi employées pour désigner les interlocuteurs assumant la fonction d'adjoints à ces différents postes administratifs. Les appellatifs comme Monsieur le Vice-Doyen, Monsieur le Vice-recteur ne sont utilisés qu'en énonciation délocutive. Donner du "Monsieur le Vice-Doyen" à un interlocuteur est impoli. Et nos observations laissent croire que les titulaires des postes administratifs préfèrent les appellatifs indiquant ce statut à ceux qui désignent la fonction ou le rang académique. Il serait donc impoli de donner du Docteur X ou Professeur X en lieu et place de Monsieur le Doyen, Monsieur le Recteur etc. Cela vaut aussi pour les interlocuteurs qui n'assument plus les fonctions indiquées par le terme d'adresse au moment de la conversation.


3.3 Les "catalogages "

3.3.1 Les appellatifs contextuels

Par le terme de "catalogage", nous désignons avec Dimachki et Hmed (2002: 5) un procédé appellatif qui "consiste à désigner la personne à qui l'on s'adresse en référence à quelque chose qu'elle fait, qu'elle vend ou tout simplement à la situation dans laquelle elle se trouve." Le catalogage peut s'observe dans trois contextes différents.

Dans les petits commerces, par exemple, la formule employée pour s'adresser au vendeur ou à la vendeuse est généralement le nom du produit que l'interlocuteur vend (banane, orange, savon, tomates, beignets, etc.) Cette forme de catalogage est prisée dans le commerce ambulant où il remplace des formulations plus complexes.

(12) Banane, on t'appelle.
(13) Orange, tu as la monnaie de mille francs?

Dans certains cas l'appellatif s'interprète comme une requête (implicite) du produit. Ainsi, l'appellatif peut remplacer les actes de langage suivants:

(14) Viens / venez me montrer tes / vos bananes!
(15) Je voudrais quelques bananes.
(16) Donnez-moi quelques bananes.

Le nom de la profession exercée par celui à qui on s'adresse peut aussi être utilisé comme appellatif: électricien, plombier, photographe, maçon, teacher / ticha (terme générique pour désigner les enseignants) docta (terme générique pour désigner les médecins, les infirmiers, et même les vendeurs ambulants de médicaments, etc.), chauffeur (conducteur de taxis ou d'autobus). Voici par exemple comment l'auteur du roman Temps de chien fait appeler le vendeur de bouteilles:




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(17) One botrè3, tu as un chien déjà maintenant? [...] One botrè, tu parles déjà avec ton chien? (Nganang 2001: 225, 228)

Il arrive souvent que le nom de la profession soit précédé de l'appellatif Monsieur (Monsieur le photographe).

Certaines caractéristiques (physiques ou vestimentaires) peuvent fonctionner comme appellatifs: La tenue vestimentaire peut servir comme référence (tricot rouge, chapeau noir, etc.). Les caractéristiques physiques permanentes ou passagères peuvent inspirer le locuteur dans sa démarche. C'est ainsi qu'on entend régulièrement les appellatifs comme fatiguée (à l'endroit des femmes enceintes), gros (envers toute personne qui a de l'embonpoint) wat / mekat / le blanc (pour interpeller toute personne au teint (très) claire).


3.3.2 Catalogage et apologie: le cas de "tagne" et "magne"

Si le contexte est déterminant dans le choix des formes de catalogage, leur connotation est fonction du prestige social de la profession en question ou de la valeur symbolique accordée aux caractéristiques physiques désignées. Le catalogage est donc une stratégie appellative "à double tranchant" (Dimachki & Hmed 2002: 6).

C'est justement le cas des appellatifs tagne et magne4 dont on peut dire qu'ils sont un exemple à la fois de " catalogage " et d'apologie d'un attribut social et biologique de l'interlocuteur. La parole est essentiellement destinée, comme nous l'avons déjà relevé, pour être adressée. Dès que le locuteur mobilise quelques éléments de la langue, il se doit d'inscrire le destinataire dans son acte énonciatif.

Cela peut se faire, bien évidemment, au moyen des termes d'adresse, comme tagne et magne, qui, en tant qu'indices de contextualisation, mettent l'accent sur un attribut saillant de l'interlocuteur. Rappelons que ces termes sont des emprunts aux langues et cultures des provinces de l'ouest du Cameroun. Désigner son interlocuteur magne ou tagne c'est signifier tout d'abord que celui-ci ou celle-ci a une particularité biologique et sociale: être parent de jumeaux. Utiliser ces termes comme marques d'adresse, constitue en soi la manifestation de la politesse, puisque ce comportement interlocutif est conforme aux attentes en pareilles circonstances. Et l'absence de ces appellatifs élogieux dans les situations où ils sont attendus est synonyme de jugement défavorable. Une telle attitude pourrait aussi être perçue comme remise en cause de l'ordre des choses (menace pour la face collective). Si les locuteurs camerounais préfèrent tagne et magne à leurs équivalents français "père de jumeaux", "mère de jumeaux", c'est certainement parce que les appellatifs endogènes laissent mieux transparaître l'importance que la société camerounaise en général et bamiléké en particulier accorde à tout parent de jumeaux. La valeur symbolique de ces appellatifs est d'autant plus prestigieuse, qu'avoir des jumeaux constitue, comme le souligne Albert, un "événement extraordinaire et gros de conséquences" (Albert 1943: 150; nous soulignons). Chez les bamiléké et les populations du Nord-ouest-Cameroun les jumeaux sont " like ordinary children, but are imbued with additional characteristics" (Diduk 1993: 556). Ce sont, autrement formulé, des enfants pas comme les autres:




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Leur vie durant [ils] seront entourés de vénération et d'honneur. On prendra un soin tout particulier de leur nourriture [...]. L'idée ne peut venir de leur faire la moindre peine ou injure. Leur tristesse sera considérée comme un grand malheur et chacun s'efforcera de la dissiper (Albert 1943: 152)

Ce traitement spécial s'explique par le fait que les jumeaux constituent une rare faveur divine. En cela, les jumeaux font la fierté de leurs parents et suscitent l'admiration, les éloges et le respect de la communauté tout entière. Ce traitement spécial touche naturellement les géniteurs de ces enfants "extraordinaires". Aussi les parents de jumeaux sont-ils considérés comme des êtres dotés de pouvoirs surnaturels5 .

Sur le plan matériel et financier les tagne et magne sont considérés comme des "héros." Car ils doivent, pour respecter les traditions ancestrales, organiser et financer cet événement spécial que constitue la naissance des jumeaux. Cela se traduit par de multiples cadeaux qu'il faut donner au chef du village et les cérémonies auxquelles il faut convier d'autres parents de jumeaux. Ainsi, les termes tagne et magne rappellent tous ces exploits matériels, physiques, financiers et psychologiques et la place désormais prestigieuse que ces "endurances" confèrent aux parents concernés. Avoir des jumeaux implique changer radicalement de statut social. Les jumeaux constituent, au vue de ce qui précède, une marque de prestige. Et ce changement ne s'opère pas sans mutation de l'identité antroponymique. Comme le dit si bien Albert, les jumeaux constituent "une bénédiction, mais c'est une ruine" (Albert 1943: 155). Les jumeaux constituent une forme de promotion sociale. Appeler son interlocuteur tagne ou magne, c'est reconnaître et valoriser cette ascension sociale. Dire tagne ou magne, c'est dire l'admiration empreinte de complicité.

Cette forme de politesse peut aussi être employée envers des interlocuteurs originaires d'autres régions du Cameroun. Par le biais de tagne et magne l'interlocuteur est perçu comme un ressortissant de la même ethnie (bamiléké), comme un Homme tout court, qui a bénéficié de cette bénédiction divine. Lorsqu'un Bamiléké appelle son allocutaire basaa, mankon, ewondo, bakweri, mundum, etc. tagne ou magne, il manifeste le désir de partager ses valeurs culturelles avec ce Camerounais ou cette Camerounaise d'une autre ethnie. Du fait de la paternité ou maternité bien particulière, on ne voit en l'autre qu'une personne qui a réalisé des exploits. L'emprunt aux langues et cultures bamiléké constitue ici la marque de proximité, de l'intégration de l'autre, bref une marque de politesse. Le recours à l'emprunt ici est la preuve que ce procédé est incontournable, lorsque la langue française ne peut pas valablement prendre en charge l'expression de toutes les dimensions culturelles camerounaises.


3.4 Les appellatifs en contexte familial

Pour comprendre les emplois et valeurs pragmatiques des formules d'adresse dans le cadre familial au Cameroun, il faudrait partir de la notion de famille telle qu'elle est conçue en Afrique en général. Ne dit-on pas que le Cameroun est une Afrique en miniature? Nous n'exagérons donc pas en affirmant à la suite de Kuyu (2004) que

la famille africaine est [...] avant tout communautaire et se définit par la notion de partage [...] Elle regroupe d'abord des parents consanguins et par alliance [...] "Les cousins collatéraux et utérins sont considérés comme des frères. Les alliés font aussi partie de la famille. Les sœurs et frères de la femme ou du mari sont parentalisés.




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Mais ce communautarisme que Kuyu relève ici ne doit pas faire perdre de vue le fait que la vie en famille exige le respect strict des normes qui en garantissent l'ordre et l'harmonie. Parmi les règles cardinales on peut citer le respect et la valorisation du statut social et du droit d'aînesse6 .

À partir de ce qui précède, on peut dire que les formules d'adresse dans le cadre familial ont deux valeurs pragmatiques fondamentales auxquelles se greffent d'autres fonctions auxiliaires. En général, les marques d'adresse ici expriment l'appartenance à un même réseau familial (avec notamment toutes les nuances que la notion de famille peut avoir) ainsi que le respect basé sur les différences d'âge et de statut (social, matériel, financier, intellectuel, moral, etc.) Notre analyse se fera à partir de deux axes. Le premier porte sur les rapports enfants – parents / adultes – jeunes et le deuxième décrit comment les parents et les adultes interpellent les enfants / les plus jeunes.

Rappelons que les marques d'adresse dans le cadre familial mettent en avant les relations de parenté, de familiarité et de solidarité. Les termes mobilisés varient toutefois en fonction du degré de parenté, du sexe et surtout de la classe d'âge des protagonistes. On distingue dans l'ensemble deux types de rapport: les relations de parenté proche (père, mère, sœur, frère, oncle, tante etc.) et les "alliés"7 de la famille. Si le tutoiement égalitaire8 est généralisé, le statut et l'âge des membres de la structure familiale déterminent le choix "inégalitaire" des noms d'adresse.


3.4.1 Les enfants s'adressent aux parents et aux adultes

D'une manière générale, les enfants qui s'adressent à leurs parents utilisent les termes papa + tu, maman + tu, le père + tu, la mère + tu, etc. Les termes papa et maman sont polysémiques. Ils désignent aussi bien les parents biologiques du locuteur que les oncles et tantes et autres membres de la famille, qui ont sensiblement l'âge des parents. Papa et maman sont donc en général des termes de parenté, de respect et d'affection. On peut relever d'autres appellatifs synonymes de papa et maman, notamment répé, rémé, pater, mater, qui proviennent du Camfranglais (voir Kouega 2003). Les jeunes locuteurs peuvent aussi donner du papa, maman, père, mère à tout interlocuteur de la génération des parents ou toute personne que l'on respecte:

(18) Père, tu es là-dedans! dit un passant. C'est ça même! répondit Meka.
Il recommença à chanter. [...] Où vas-tu, père? lui demanda quelqu'un.
Là, devant moi, dans cette maison, là-bas au bout de ma canne ... Je vais voir le commandant. (Oyono 1956: 18–19)




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L'emploi du patronyme ou du prénom des parents est inadmissible. On observe, cependant, une tendance à l'emploi des stratégies appellatives oncle + prénom + tu; tante + prénom + tu (par exemple oncle Sammy, tante Gladys), notamment en milieu urbain, comme marque de respect et d'affection envers des oncles et tantes pas aussi âgés que les parents biologiques du locuteur.

Depuis quelques années les termes oncle et tante tendent à disparaître des habitudes appellatives au profit des appellatifs comme tonton, tata, tantine, sita. Ces "nouveaux" appellatifs génériques se justifient, selon de nombreuses personnes interrogées, par leur aptitude à désigner tout rapport marqué par le respect et non par les liens de parenté. Les termes tonton, tata, tantine, etc. permettent d'élargir le cercle familial. Le tonton n'est pas seulement l'oncle, mais toute personne qui, de par son âge ou son statut social, mérite le respect. Cela vaut aussi tout naturellement pour tata et tantine. Par ailleurs, la grande majorité de nos interlocuteurs attribuent la prédilection des termes tonton, tata et tantine à la tendance au "jeunisme", c'est-à-dire la volonté de rester jeune ou d'avoir l'air jeune, qui s'installe inexorablement dans la société camerounaise. Si les termes oncle et tante, argument-t-ils, renvoient au sème de "vieillesse", les formes tonton, tata et tantine évoquent surtout le respect. Il faudrait ajouter à tout cela l'effet de mimétisme: On emploi ces formes génériques parce que tout le monde le fait.

Le ton occupe une place centrale: Parler fort, s'énerver etc. devant un adulte, c'est manquer du respect à son égard. On a des chances d'être traité d'impoli, lorsqu'on s'adresse à un aîné sur un ton très élevé. Il est donc impoli d'appeler un aîné à (très) haute voix, surtout en public. Ceci rejoint partiellement le constat fait par Bonvini (2004) sur les Kàsïnā du Burkina Faso:

On ne doit pas appeler quelqu'un de rang supérieur à haute voix lorsque celui-ci se trouve dans un lieu public (marché, par exemple) ou dans une foule. Pour l'appeler par son nom, il faut d'abord s'approcher de lui et l'appeler ensuite de près (2004: 86).


3.4.2 Les adultes s'adressent aux enfants

Contrairement aux enfants qui disposent d'un répertoire appellatif plus ou moins déterminé par le"respect de l'aîné", les adultes disposent d'un espace de liberté sans borne, lorsqu'il s'agit d'interpeller ou de désigner les plus jeunes en général et les enfants en particulier. Cela peut se faire à l'aide des prénoms (dans toutes les variantes possibles: diminutifs, dérivés, etc.), des patronymes et des sobriquets. L'emploi des termes avec le suffixe -ou (patou, coucou, doudou, etc.) comme marque de l'affection, est de plus en plus récurrent La formule d'adresse est très souvent fonction de paramètres comme le travail (scolaire) de l'interlocuteur, son comportement envers les parents et d'autres membres de la famille, sa position dans la lignée (premier, dernier enfant, jumeau) etc.

Il arrive très souvent que les enfants portent le patronyme des grands-parents ou des parents. Dans ces cas, les enfants en question sont appelés par les termes comme mamy, grand-mère, grand-père, mon (petit) père, ma mère, etc. Ces formes d'adresse ont une charge affective et honorifique particulière. Les noms des parents ou grands-parents indiquent implicitement le type de comportement attendu des enfants qui les portent. Comme le dit si bien Agyekum, "such children are also advised to behave well so as to avoid tarnishing their names. The names are meant to shape the children's upbringing, behaviour and socilaisation" (2006: 209).




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Nous avons constaté dans les familles où il y a des jumeaux que ceux-ci ont un traitement spécial sur le plan de l'appellation. Si les autres enfants sont appelés par leurs prénoms respectifs, les jumeaux et leurs cadets immédiats sont, quant à eux, interpellés par leurs patronymes (Nguemmogne, Kanmegne, Nchang, Guiammeugne, etc.), en signe de distinction, de complicité et de vénération. Ce procédé appellatif s'observe beaucoup dans certaines cultures camerounaises (dans les provinces de l'Ouest et du Nord-ouest) où les jumeaux reçoivent des termes honorifiques comme Sofeu (ami du chef), Mounui (enfant de Dieu), etc.


3.5 Emplois de "Monsieur / Madame" et "Voisin / Voisine"

Les appellatifs Monsieur et Madame s'emploient de différentes façons.

Monsieur ou Madame sans patronyme + vous/tu: Marque de respect à l'égard d'un interlocuteur (connu ou inconnu) de statut élevé. Marque de la distance sociale à l'égard d'un interlocuteur qu'on ne connaît pas (assez), comme le montrent les exemples suivants:

(19) "Madame, ton enfant-là ne marche pas encore, eh." [...] "Je ne sais pas ce qui lui arrive. Dieu seul est grand." (Nganang 2003: 45)
(20) Laisse-moi, disait la voix de l'aveugle mendiant, je suis aveugle, tu ne vois pas?
Tu vois!
Madame, laissez-le, disait une voix raisonnable, vous ne voyez pas ses yeux retourner dans sa tête?
Justement, il a fait comme ça pour me faire peur.
Madame, attention, mes lunettes!
Tu as cassé mes lunettes!
Tu as vu comment?
Que tu vas me payer mes arachides?
Allons au Commissariat!
-Oui, allons! (Nganang 2001: 244)
(21) Madame, sortez de là!
Je ne sors pas, dit la femme décidée.
[...] Si vous ne sortez pas de là, dit le policier à l'adresse de la femme, je lui donne l'ordre de vous monter dessus.
Donnez-lui alors!
Et le policier au conducteur de bus: Monsieur, entrez dans votre bus!
Ce dernier d'hésiter.
Entrez dans votre bus, monsieur, beugla le policier, ou je vous arrête tout de suite!
[...] Démarrez le bus! cria le policier. (Nganang 2001: 254)




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Monsieur ou Madame + patronyme + vous: Employé de façon réciproque comme marque d'un rapport égalitaire entre adultes (connus ou inconnus). Cette forme n'est employée par un locuteur de rang inférieur qu'en référence (Je voudrais voir monsieur X. Madame Y est arrivée hier soir.).

Monsieur / Madame + Prénom + vous / tu: Marque de respect envers une personne de statut supérieur ou personne plus âgée (Monsieur Paul). Cette forme d'adresse permet de trouver un compromis entre Monsieur / Madame comme marque de la distance et le prénom comme indice de familiarité. Autrement dit: La valeur de distance véhiculée par l'appellatif monsieur est atténuée par l'emploi du prénom. Monsieur / Madame + titre professionnel + vous: Marque de respect: Monsieur le Professeur, Madame la Ministre, Monsieur le Maire, Madame le Proviseur, etc.

L'appellatif voisin / voisine a deux sens: Voisin / voisine + tu: Marque de rapprochement, de complicité à l'égard d'une personne qui vit dans le même quartier ou le même immeuble que le locuteur. Voisin / Voisine s'utilise envers une personne qui a été le voisin du locuteur. Les enfants s'adressent à leurs voisins et voisines par les appellatifs le père de / le papa de X; la mère de / la maman de Y (X ou Y étant le nom de du fils / de la fille aînée de l'interlocuteur). Comme exemples on peut citer Le père / papa de Paul / La mère / maman de Gladys. Le locuteur indique à travers ces appellatifs qu'il sait que le voisin a un fils ou fille qui s'appelle Paul ou Gladys avec lequel ou laquelle il entretient aussi des relations harmonieuses de voisinage et de familiarité. Nous avons un exemple dans notre corpus où l'appellatif voisine est précédé d'un autre terme, à savoir tata (Bonjour tata voisine). Ce mode d'adresse est utilisé par les enfants qui s'adressent à leurs voisines. Le premier appellatif tata est la marque de respect du à la différence d'âge et le deuxième terme voisine reflète la familiarité, la connivence née du (bon) voisinage.


3.6 Les appellatifs dans la communication interethnique

Dans les grands centres urbains du pays les Camerounais d'origines ethniques et géographiques diverses sont amenés à se côtoyer au quotidien. L'appartenance ethnique fait ainsi très souvent partie d'un savoir social largement partagé par tout le monde. Cette réalité sociale, bien qu'évidente, fait le plus souvent l'objet d'une construction interactionnelle permanente. Au cours de toute interaction verbale, l'emploi de certaines ressources linguistiques, les appellatifs par exemple, permet de mettre ce travail identitaire en marche. Lorsqu'un Camerounais s'adresse à un compatriote d'une autre ethnie, il a tendance à utiliser les ethnonymes, notamment aloga, bo'o, manyan, massa, mola, sango, nyango, mbombo, mbom, nyamoro etc comme appellatifs. Ces noms d'adresse servent tout d'abord à dévoiler l'identité ethnique de l'interlocuteur ou de celui qui parle. En plus, ces appellatifs ethnonymiques veulent dire en substance que le locuteur ne fait pas mystère de l'identité ethnique des interactants. C'est le lieu de souligner ici que les noms d'adresse empruntés aux langues locales ne servent pas tout simplement à combler un vide lexical en la langue française. Ces emprunts constituent plutôt une stratégie discursive symbolisant l'attachement total du locuteur à l'univers culturel camerounais, auquel il intègre "poliment" son interlocuteur. Les appellatifs ethnonymiques mettent en évidence l'ethos d'un locuteur camerounais conscient de l'importance de la référence et de l'appartenance à univers culturel hybride.




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Deux cas de figure peuvent se présenter. 1) Un locuteur ewondo, par exemple, peut utiliser un terme d'adresse de sa langue maternelle (mbôm, nyamoro, par exemple), pour interpeler un interlocuteur d'une autre région (bamiléké, basaa, mankon, etc.). Ce faisant, le locuteur intgre son partenaire d'interaction dans son univers culturel ewondo. 2) Un locuteur d'un groupe ethnique différent peut choisir des noms d'adresse comme manyan et aloga (appellatifs utilisés chez les bassa) pour appeler justement un interlocuteur basaa (etc.). Vu dans la perspective de Brown et Levinson (1987: 107–111), nous avons affaire à deux stratégies de politesse: Dans le premier cas, le locuteur se montre poli à l'égard de son interlocuteur, puisqu'il le considère comme digne de faire partie de son in-group. Et dans le deuxième, le locuteur étranger à la culture bassa montre à travers l'appellatif qu'il valorise cet univers culturel et voudrait en faire partie.

Au-delà de la référence à l'interaction harmonieuse de deux cultures discursives (camerounaise et française) les partenaires jouent sur la fibre ethnique pour construire une relation de complicité interethnique. Ainsi, les termes d'adresse mis en oeuvre marquent la reconnaissance et la valorisation de l'identité ethnique telle qu'elle est vécue dans la région d'origine de chaque interlocuteur. L'emprunt aux langues locales sert à amplifier la conscience de la diversité ethnique et à renforcer la cohésion et la solidarité du groupe9 .


3.7 Les appellatifs dans les relations amicales et intimes

Ce contexte semble être celui où les locuteurs sont les plus imaginatifs. En effet, les exemples attestés montrent que les locuteurs (les jeunes généralement) se servent de toutes les ressources à leur disposition pour générer autant de formes d'adresse possibles. Comme procédés utilisés on peut citer les emprunts aux autres langues (anglais, Pidgin English, Camfranglais, langues locales, etc.) l'extension sémantique, création de nouveaux termes (par dérivation, troncation, verlan etc.).

Comme stratégies appellatives hypocoristiques on peut citer tous ces procédés qui expriment la solidarité, la convivialité, la familiarité, la complicité, la connivence affective ou la connivence d'intérêt, le sentiment d'appartenance à un même groupe, etc. Les appellatifs classiques mobilisés ici sont généralement le prénom, le patronyme ou le sobriquet de l'allocutaire. Leur choix varie en fonction du degré de l'amitié. D'autres appellatifs communément employés sont gars, frangin, vieux, camarade, capo, cops, complice, jeune homme, jo, joueur, membre, cousin, voisin, oncle, frérot, homme, etc.

Certains appellatifs sont utilisés avec le possessif mon / ma comme marques d'un élan affectif particulier envers l'interlocuteur. Il s'agit par exemple de mon ami, mon cher ami, mon gars, mon frère, ma sœur, mon type, mon grand, ma grande, mon pote, mon complice, etc. On peut aussi citer l'emploi des adjectifs (à connotation méliorative) précédé mon / ma: mon meilleur, ma meilleure, mon cher, ma chère, mon grand, ma grande, mon dur.




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Les appellatifs ethnonymiques sont aussi prisés: mola, tara, mbombo, sango, nyango, massa, bo / bo'o, mbom, waii, etc. L'appellatif (l'adjectif ou le substantif, par exemple) peut être précédé du démonstratif ce / cette: Ce gars, ce dur, ce puissant, ce grand, ce vieux, ce capo, ce bao, etc. Les locuteurs ont aussi recours aux appellatifs empruntés au Camfranglais, notamment la go / la nga (la fille), la mouna (la fille), résé (sœur), réfré (frère), big résé (grande sœur), copo (ami) grand copo, oncal, etc.

Certaines formes de salutations comme hello! allo! o hoo! eh oh! s'utilisent comme appellatifs entre amis. Ils servent aussi à attirer l'attention d'un interlocuteur inconnu.

Un des éléments importants à relever ici est le caractère polyphonique de certains appellatifs amicaux: En plus d'indiquer la relation amicale entre les locuteurs, quelques appellatifs font en effet allusion à certains événements importants pour un groupe d'individus. C'est le cas de membre, camarade, combattant, complice, joueur qui abondent dans le discours estudiantin. Ils servent à rappeler les différentes grèves des étudiants pour évoquer des liens plus forts que l'amitié simple, relever une cause commune, renforcer la solidarité estudiantine et forger un "destin commun." On a aussi noté cette stratégie chez les (jeunes) commerçants et chauffeurs de taxi qui emploient membre, joueur, attaquant comme marque de complicité / solidarité associative ou professionnelle.

Une autre stratégie appellative prisée par les jeunes locuteurs consiste à utiliser diverses dérivations du prénom ou du patronyme de leurs interlocuteurs. Ces hypocoristiques procèdent:

Par troncation:

(22) Bernard → Ben; Joseph → Jo; Biloa → Bil; Ndeffo → Ndeff; David → Dave, Alexis → Alex; Patrice / Patrick → Pat.

Par troncation et suffixation:

(23) Atangana → Atango; Adolphe → Adou, Samuel → Samy; Gabriel(le) → Gaby; Patrick → Patou/ Patson; Jacques → Jackson.

Par Redoublement du diminutif:

(24) Joseph → Jojo.

Par suffixation. Les suffixes "-o"et "-ou" semblent les plus récurrents dans notre corpus:

(25) Bernard → Bernardo; Paul → Paulo /Polo, Pierre → Pierrot, Serges → Sergio; Chantal → Chantou; Marcel → Marcelo, Rose → Rosita, Thomas → Tomy, Antoine → Antonio; Alain → Alino.




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Par abréviation ou utilisation des initiales:

(26) Elise → E; Bernard → B; Jean-Paul / Jean-Pierre → JP / Jipé; Jean-Claude → JC / Jissé; Jean Claude Ottou → JCO.

Par l'utilisation des prénoms anglais en lieu et place de leurs pendants français:

(27) Michel → Mike: David → Dave; Jean → John, Marie → Mary; Pierre → Peter; Bernard → Ben.

Par siglaison ou acronymie:

(28) Lambo Pierre Roger → Lapiro10, Kengne Hélène → KH; Johnny Tezano11 → JT; Bernard Alphonse Libot → BAL; Toto Guillaume → Togui12.

Le terme Homonyme s'emploie aussi comme marque de complicité entre personnes qui ont en commun le même prénom ou patronyme. Il désigne aussi par extension les amis et connaissances.

En contexte amical les termes injurieux peuvent avoir une valeur hypocoristique: malhonnête, faible, chef-bandit, nerveux, méchant, laid-type, etc. Il faut relever ici avec Rosier et Ernotte (2000: 18) que "le sens intrinsèque est de peu de poids conversationnel: c'est le consensus discursif construit entre les amis [...] qui règle le sémantisme du mot, et désamorce complètement sa charge illocutoire habituelle." (Italiques et gras dans le texte)

Les marques d'intimité sont aussi nombreuses, variées qu'imaginatives. En plus des appellatifs classiques comme ma chérie / mon chéri, mon amour, mon cœur, etc. on note une multitude de termes affectueux employés dans les relations amoureuses. En règle générale ces appellatifs sont précédés du possessif mon / ma qui exprime, comme le relève si bien Sifianou (1999: 72) l'intimité et non la possession: "such usage obviously has nothing to do with possession, but rather emphasizes closeness and intimacy." Comme exemple on peut citer: ma puce, mon trésor, mon poussin, ma biche, ma dulcinée, mon (petit) chou, mon lapin, mon nounous, ma (petite) poupée, ma bien aimée, mon ange, mon soleil.



4 Conclusion

Nous pouvons relever, pour conclure, que les appellatifs n'ont pas de valeurs pragmatiques figées. Qu'il s'agisse des situations formelles ou non-formelles, le choix et la fonction du mode d'adresse varient en fonction de l'âge, de la classe sociale, du statut institutionnel des locuteurs et du cadre communicatif (famille, petit commerce, cercle d'amis, etc.) Le survol des termes nominaux répertoriés montre une double tendance des locuteurs à l'innovation ou la vivacité pragmatique et à la ré-appropriation ou la réadaptation culturelle des termes du français standard.




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Cette étude pourrait être complétée par la description diachronique des appellatifs. En effet, une telle analyse permettrait de mettre en relief l'origine de certains comportements allocutoires et de mieux saisir leur pertinence dans la vie sociale d'aujourd'hui. Au-delà de la perspective historique, il serait intéressant d'envisager une approche comparative des systèmes d'adresse dans les différentes langues et cultures camerounaises. Cela viendrait compléter la présente ébauche qui se voulait avant tout exploratoire.



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Notes

1 Comme synonymes, on peut aussi citer termes d'adresse, appellatifs, appellations, formes allocutoires, formes / marques d'adresse, adressage, etc. Voir Schoch (1978), Weil (1983), Traverso (1999), Thomsen (2000), Coffen (2002), Dimachki & Hmed (2002), Charaudeau & Maingueneau (2002), Claudel (2004), Clyne et al. (2004), Kerbrat-Orecchioni (1996, 2005a et 2005b).

2 Exemple emprunté à Mulo Farenkia (2006b: 193). L'auteur s'est plutôt concentré sur l'analyse des fonctions du compliment en contexte commercial. La question du rôle de l'appellatif ma sœur dans la négociation des tâches conversationnelles y est légèrement abordée.

3 L'appellatif botrè est un dérivé du mot anglais bottle.

4 Il faut préciser que ces termes sont polysémiques. Tagne et magne fonctionnent comme appellatifs à l'égard des parents des jumeaux et comme Patronymes dans la plupart des langues de l'ouest du Cameroun. Ce qui retiendra notre attention ici, c'est leur emploi comme formules d'adresse. On observe des variations phonologiques en fonction des régions. Citons par exemple Tagni / Magni ; Tanguié / Manguié qui sont respectivement employés dans les provinces du Sud-ouest et du Nord-ouest.

5 Voir à ce sujet Diduk (1993: 557–558)

6 Ce que Zhihong (2002) appelle "le respect du 'vieux'" (Guillemets dans le texte. Nous soulignons)

7 Terme emprunté à Kuyu (2004) pour désigner les amis et connaissance de la famille.




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8 L'égalité ici étant marquée par l'appartenance à la même structure, au même réseau familial.

9 Il faut signaler que les appellatifs ethnonymiques bo'o, massa, mola tara, mbombo, mbom, etc. n'indiquent pas toujours l'origine ethnique de l'autre. Ils s'emploient aussi comme marques de complicité entre amis.

10 Nom d'un célèbre musicien camerounais.

11 Nom d'un célèbre musicien camerounais.

12 Nom d'un célèbre musicien camerounais.