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Hélène Perdicoyianni-Paléologou (New York)



Pierre Swiggers, Alfons Wouters (Éd.) (2003): Syntax in Antiquity. Louvain, Paris: Peeters. (= Orbis Supplementa, 23)



Ce volume rassemble les conférences tenues lors du colloque sur la "Syntaxe dans l'Antiquité", qui a eu lieu à Leuven (27–29 Septembre 2001). Le colloque a été organisé par le Seminarium Historiographiae Linguisticae (SHL) de l'université de Leuven.

Après une brève préface, les éditeurs rendent hommage à Jean Lallot en faisant une esquisse détaillée de sa vie, de sa carrière et en fournissant une liste complète de ses publications.

L'ouvrage comprend trois sections, dont la première section s'intitule "Syntactic Description and reflection in Antiquity: Status, Boundaries, and Connections". Cette section comporte les articles suivants:

1) Pierre Swiggers - Alfons Wouters, "Réflexions à propos de (l'absence de?) la syntaxe dans la grammaire gréco-latine", (25–41).
Dans ce travail, les auteurs se contentent de faire une brève esquisse du statut des études syntaxiques chez les auteurs anciens. Ils s'interrogent sur la présence "subreptice" de la syntaxe chez les grammairiens gréco-latins. Précisément, ils mettent l'accent sur les témoignages précoces d'analyses syntaxico-sémantiques dans la grammaire indienne et sur l'élaboration de l'analyse syntaxique de la grammaire arabe. D'autre part, ils soulignent la contribution de Platon qui fut le premier à dégager "la structure de la prédication langagière, soumise aux opérations de la modalité énonciative" (29). Cela fut à l'origine des réflexions sur "la proposition comme lieu de vérité" (29) et "la complétude ou l'incomplétude de contenus signifiés" (29), qui ont été formulées ultérieurement par Denys le Thrace et Apollonios Dyscole.

2) Louis Basset, "Aristote et la syntaxe", (43–60)
L'auteur fait ressortir l'intérêt dont Aristote a manifesté pour les énoncés sous le double aspect du contenu (logos) et de la forme (leksis), ce qui l'amène à rechercher les principes de la théorie syntaxique chez le philosophe grec. Après avoir présenté le corpus aristotélicien concerné, l'auteur procède à l'analyse du logos en étudiant le couple onoma / rhéma, l'assertion, la copule, le couple kléseis / ptôseis et les négations. À cela s'ajoutent l'examen de la leksis, qui est fondé sur l'exclusion de la pragmatique et des modes du champ d'étude, les mots outils marques de liaison, la liaison prédicative, la ptôsis comme marque de rection, la concordance et la faute d'accord (apodidonai, soloikizein), la relation ambiguë (amphibolia) et, enfin, l'assemblage (synthesis) et la séparation (diairesis).




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3) Wolfram Ax, "Textlinguistische Ansätze in der antiken Grammatik", (61–76).
Dans un premier temps, l'auteur essaie de définir ce que l'on entend par les notions de texte et de linguistique de texte. Ensuite, il cherche à déterminer les débuts de la définition de ces notions dans la grammaire ancienne. Le contenu de ces notions semble correspondre à celui des notions établies par la linguistique moderne.

4) Johannes M. van Ophujsen, "Parts of what Speech? Stocic Notions of Statement and Sentence, or: How the Dialectician Knew Voice and Begat Syntax", (77–94).
L'auteur se propose d'élucider l'origine de la syntaxe comme une partie de l'articulation du logos dans le domaine de la logiké stoicienne. Pour ce faire, il examine la préhistoire et même la proto-histoire de sujets de la grammaire, de la syntaxe et de la logique. L'analyse de legein and logos, celle des concepts de syntaxe et de sens ainsi que celle de lekton en relation aux deux éléments précédents permet à l'auteur de démontrer que la division des arts et des sciences est le produit d'une évolution intellectuelle.

La seconde section ("Alexandrian Grammarians and Syntax") comprend les études suivantes:

1) Stephanos Matthaios, "Tryphon aus Alexandria: Der erste Syntaxtheoriker vor Apollonios Dyskolos?", (97–132).
L'auteur tâche d'accorder à Tryphon la place qu'il mérite parmi les grammairiens anciens. Pour ce faire, il fournit, d'abord, les référence exactes des livres et des citations d'Apollonios Dyscole ainsi que les sujets qui y sont développés. Ensuite, il procède à l'analyse des témoignages à l'appui des fragments de Merismos et des particularités syntaxiques de mots déterminés dans la phrase. Enfin, l'auteur tente de dégager l'apport philologique et linguistique de la théorie syntaxique de Tryphon.

2) Frédéric Lambert, "Apollonios Dyscole: la syntaxe et l'esprit", (133–152).
Cette étude est fondée, d'une part, sur les diverses théories d'inspiration cognitiviste en linguistique et, d'autre part, sur le statut du sémantique dans les conceptions et les analyses syntaxiques chez Apollonios. L'auteur se propose de montrer que la syntaxe du grammairien alexandrien est du ressort d'une théorie sur l'esprit. Pour ce faire, il étudie plusieurs concepts familiers des approches cognitives du langage qui illustrent la démarche d'Appolonios, telles la mémoire et connaissance partagée, la catégorisation et la conceptualisation, l'inférence, l'iconicité, la motivation, la solidarité cognitive, la cohérence textuelle, la compositionnalité et l'abstraction, la paraphrase. L'examen de ces concepts permet à l'auteur de faire ressortir le rôle constant que Apollonios accorde aussi bien aux facultés de représentation qu'au langage lui-même.

3) Jean Lallot, "Considérations intempestives sur la nature des rapports syntaxiques selon Apollonius Dyscole", (153–160).
Cet article est structuré autour de la "congruence" (katalélotés), notion centrale de la théorie apollinienne de la syntaxe, de la courtoise syntaxique et de ses limites et, enfin, des rapports syntaxiques qui apparaissent chez Apollonios comme des rapports de force. En d'autres termes, la syntaxe, gouvernée par la raison (logos), fonctionne comme "un domaine où se manifeste le jeu de la prépondérance et de la domination" (158).




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La troisième section ("Syntax and Rhetoric: Virtues and Vices of Speech") concerne les études suivants:

1) Toivo Viljamaa, "Colon and Comma. Dionysius of Halicarnassus on the Sentence Structure", (163–178).
L'auteur essaie de définir le colon et le comma à la lumière des travaux de Denys d'Halicarnasse (De compositione verborum, De Demosthenis dictione, De Thucydide). Son étude est également fondée sur les témoignages d'Aristote et de Démetrius. Selon l'auteur, Denys d'Halicarnasse ne fournit pas une définition exacte de cola (et commata), qu'il considère comme un terme technique que tout orateur peut employer arbitrairement.

2) Malcolm D. Hyman, "One World Solecisms and the Limits if Syntax", (179–192).
Ce travail met en évidence les difficultés des grammairiens anciens pour extraire la structure syntactique de la structure sémantico-pragmatique, celles de la relation étroite entre verbaux et non-verbaux niveaux langagiers et, enfin, celles des phénomènes grammaticaux qui apparaissent dans des contextes linguistiques comprenant plus d'une sentence. Ces difficultés sont étudiées à la base de leur théorie sur le solécisme.

3) Raija Vaino, "Borderline Cases between Barbarism and Solecism", (193–201).
L'auteur tente de déceler la ligne de démarcation entre le barbarisme et le solécisme. Précisément, il cherche à savoir si un solécisme peut se produire au sein d'un mot. Son étude repose sur les cas du type question-réponse, des passages dans lesquels le verbe n'est pas en accord avec son référent, l'emploi d'une forme correcte dans un contexte faux et, enfin, les mots qui sont employés avec un barbarisme et un solécisme à la fois.

La dernière section ("Syntax, and Beyond: The Latin and Byzantine Heritage") développe les sujets suivants:

1) Anneli Luhtala, "Syntax and Dialectic in Late Antiquity", (205–225).
L'auteur se propose de comparer certains aspects de la théorie syntaxique d'Apollonios Dyscole à ceux des grammairiens, tel Priscien, et des dialecticiens syncrétistiques, tels Agustine et Martianus Capella. De plus, il essaie de dégager les traits caractéristiques de la tradition aristotélicienne et platonicienne à la lumière des commentaires et des traductions de Boethe et d'Ammonius. La dernière partie de son travail est consacrée aux remarques des scholiastes sur la syntaxe qui est en rapport avec la notion de l'autoteleia.

2) Frédérique Biville, "La syntaxe aux confins de la sémantique et de la phonologie: les interjections vues par les grammairiens latins", (227–239).
Après avoir déterminé la dimension syntaxique de l'oratio et le positionnement relatif de ses partes, Frédérique Biville procède à l'analyse de l'interiectio en tant qu'une pars orationis autonome en en faisant ressortir les traits spécifiques, définitoires et oppositionnels. Ensuite, elle considère l'interiectio comme "une émission vocale spontanée, dépourvue d'un signifié et d'une forme stables et codifiés" (232), un "geste vocal" (233) ainsi qu'une modalité énonciative. La différence et la complémentarité de support linguistique entre le verbal et le vocal permettent à l'auteur de définir le sens du mot interiecta, qui a fourni son nom à la catégorie.




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3) Mariorosaria Pugliarello, "La sintassi di Arusiano Messio", (241–253).
Ce travail vise à révéler le sens, les aspects et les particularités sémantiques du terme elocutiones à travers l'ouvrage d'Arusianus Messio intitulé Exempla elocutionum. L'examen minutieux de ce terme permet à l'A. de faire ressortir l'apport didactique de l'œuvre.

4) Massimo Picciarelli, "Les réflexions sur les cas chez les grammairiens byzantins", (255–282)
L'auteur se propose d'aborder les théories casuelles des Byzantins en s'appuyant, d'une part, sur l'histoire de celles-ci et, d'autre part, sur la réflexion que chaque auteur se faisait sur ce sujet. La présentation du système casuel chez les grammairiens byzantins, tels Georges Choeroboscus, Sophronius, Héliodore, Michel le Syncelle, Grégoire de Corinthe, Jean Glykys, Maxime Planude, Constantin Lascaris, Théodore Gaza, met en lumière les sources de la grammaire byzantine, l'influence qu'a pu exercer la tradition grecque sur les grammairiens byzantins, ainsi que l'apport pédagogique de leurs ouvrages.

En conclusion, il s'agit d'un ouvrage collectif qui fournit des renseignements utiles sur l'histoire de la syntaxe, qu'il situe bien dans le cadre des autres sciences du langage. D'autre part, cet ouvrage présente une bonne mise à jour des connaissances et, en même temps, fait état des recherches en cours. En plus, il donne un tour d'horizon compétent de la vaste problématique sur la syntaxe et contient beaucoup de contributions dont l'importance s'avérera certainement permanente.